» Chez nous, ça n’existe pas ! »

Dans les écoles, face au bullying, on entend un feu nourri de clichés et d’aveux de faiblesse !  » Avouer qu’on a des problèmes de violence dans sa classe ou dans son école, c’est accepter de dire qu’on a échoué.  »  » L’école n’y prête pas attention.  »  » Ce que vous décrivez, ça existe peut-être à Saint-Josse, pas chez nous.  » Enseignants, directeurs et administration préfèrent croire que le pire advient durant les trajets et les après-midi de congé. Faux : au primaire, il y a deux fois plus de violence dans la cour de récréation et les classes qu’en dehors ; trois fois plus en secondaire. Non, proportionnellement, il n’y a pas plus de violence entre élèves dans les grandes villes, dans les grands établissements, ou dans les classes plus nombreuses ; pas davantage dans les écoles difficiles où tous les problèmes seraient concentrés.

Il n’empêche, le bullying se développe davantage dans des écoles qui présentent certaines caractéristiques. Dans cette école bruxelloise réputée pour valoriser la performance et la position sociale, Eric, un ado assez modeste arrivé en 5e latin-math, ne parvient pas à se hisser à la hauteur de ses ambitions.  » Je suis le moins bon dans une classe d’un bon niveau. Les autres n’arrêtent pas de m’enfoncer : « Tu n’as rien à faire ici », « Tu vas pas t’en sortir » « , raconte-t-il. Son dernier contrôle de math –  » pas fameux, à peine 4/20  » – a fait le tour de la classe, le prof riant de ses mésaventures. Quand ses camarades ont fait circuler en cours une tirelire, Eric a craqué.  » Il y avait écrit « Ayez pitié de lui, faites un don. » J’ai pété les plombs et j’ai fugué. « 

Le climat de compétition favorise donc la violence. Mais le bullying peut aussi prendre racine dans les écoles où se concentrent des élèves marqués par l’échec et la relégation.

Des actions anti-violence ponctuelles fleurissent ici et là dans nos écoles. Faute d’évaluation, on ne sait pas vraiment si elles ont des résultats positifs.  » Il ne suffit pas de bassiner un enfant avec la non-violence et le respect d’autrui pour ne plus le voir jouer au caïd, analyse Benoît Galand. Les choses se font à la petite semaine ; elles ne sont pas coordonnées dans la durée. Pour peu qu’un enseignant porteur du projet s’en aille, et tout tombe à l’eau. Les effets positifs, par conséquent, s’essoufflent très vite. « 

Comment alors briser l’omerta, prévenir et agir dans les classes, à l’école, dans les familles ? Ce qu’il faut, c’est un front uni des directeurs, des enseignants, de l’administration et, en bout de chaîne, des parents. La première condition est la stabilité des équipes éducatives, insistent les spécialistes de la violence scolaire. Qui plaident pour la mise en place de mesures complémentaires comme de renforcer la présence des adultes dans l’établissement, notamment des surveillants – trop peu nombreux et peu formés, faute de moyens. De former les enseignants. D’établir un règlement intérieur en concertation avec les élèves. Et surtout d’observer la violence et de graduer les sanctions. L’une des réponses est aussi pédagogique : faire coopérer les élèves et les responsabiliser. Valoriser l’effort plutôt que le dénigrement.

Tout élève a droit à suivre une scolarité sereine dans un cadre où il se sent en sécurité. Une école qui ne sait pas assumer la sécurité de ses élèves ne manque-t-elle pas à son devoir ?

S.G.

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