Anne-Sophie Bailly © HATIM KAGHAT

Cher enseignant, merci

Depuis le lundi 18 mai, un nombre très limité d’enfants et d’adolescents est de retour sur les bancs de l’école. Malgré les craintes de certains parents. Malgré l’opposition aussi d’une partie du corps enseignant qui estimait être  » sacrifiée  » sur l’autel du  » retour au travail des parents  » et plaidait pour un  » no go  » jusqu’en septembre prochain.

Malgré cela, cette minirentrée a pu avoir lieu. Un peu bizarrement certes, mais calmement, sereinement. Cher enseignant qui étiez dans votre classe, merci pour cela.

Merci d’avoir passé outre vos craintes sanitaires, votre peur de tomber malade ou de contaminer vos proches.

Merci de n’avoir pas réduit l’école à sa dimension unique d’enseignement. D’avoir pris du temps pour dialoguer avec vos élèves de ce qu’ils ont vécu et de comment ils l’ont vécu. D’avoir entendu leurs angoisses ou leurs questions, et d’y avoir répondu.

Merci d’avoir compris le besoin des enfants de revoir des compagnons de leur âge et l’urgence de leur offrir un cadre et un horaire.

Merci de leur avoir offert une perspective alors que tout leur horizon n’est fait que d’incertitudes.

Merci de ne pas avoir participé à l’accentuation des inégalités sociales et de reconnaître par votre simple présence que chaque enfant ne possède pas un ordinateur ou une connexion wifi suffisante pour suivre les cours à distance et rendre ses devoirs de manière optimale.

Merci de reconnaître que le virtuel n’a pu que pallier imparfaitement l’absence de présentiel (et merci à ceux qui ont accepté de se réinventer pour assurer un suivi pédagogique pendant ces étranges semaines).

Merci pour vos vidéos de soutien aux élèves, émouvantes et drôles à la fois, partagées sur les réseaux sociaux.

Merci de vous être présenté masqué, embué, éloigné, désinfecté, pour éviter que 2020 ne voie pas exploser le nombre de décrochages ou de phobies scolaires.

Merci d’accepter que tous les parents ne peuvent ou ne savent pas suivre la scolarité de leurs rejetons comme vous le faites.

Merci de ne pas avoir brandi le peu de jours qui restaient disponibles d’ici à la fin de l’année scolaire pour justifier une absence, mais d’avoir tout fait pour mettre ce temps à profit.

Merci d’avoir reconnu que chaque enfant est unique. Qu’un pdf, un scan, une visioconférence ou un contrôle en ligne peut être compliqué ou paralysant pour certains.

Merci d’avoir pu permettre que cette minirentrée fasse office de test en situation réelle pour le mois de septembre.

Car cela aurait été dommage de ne pas saisir cette occasion pour recréer du lien. Dommage de jouer sur la peur et d’alimenter un climat déjà trop anxiogène. Dommage de profiter d’être sous les feux des projecteurs pour dénoncer le décalage qu’il y a entre les pro- grammes scolaires et la vie réelle, ainsi que le manque de moyens alloués à notre enseignement. Même si c’est tellement vrai.

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