Chacun son job

A Laeken, la politique du cordon sanitaire a permis d’obtenir des résultats dans la lutte contre la délinquance. Voici comment

Il y a encore un an, la bande « Marie-Christine » sévissait dans le quartier du même nom, près de la place Bockstael, à Laeken (Bruxelles). Repérée comme « bande urbaine » par la police communale, ce groupe d’une quinzaine de jeunes entre 16 et 19 ans, avec un chef et deux ou trois « lieutenants » à sa tête, avait l’habitude de choisir la place Willems comme lieu de ralliement. Elle y imposait la terreur, faisant fuir les mères de famille qui amenaient leurs bambins à la plaine de jeu. Elle commettait régulièrement des délits, qualifiés de « petite délinquance », surtout dans la rue Marie-Christine, très commerçante. Bref, loin de ressembler à l’image que l’on peut se faire des gangs américains, cette petite bande avait tout de même le don de faire régner un climat d’insécurité grandissant, dont le quartier se serait bien passé.

Voici un an, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale lançait, pour un montant de 40 millions de francs, un projet de lutte contre les « bandes organisées ». Il s’agissait de donner des moyens supplémentaires aux communes qui en faisaient la demande, pour s’attaquer, via un volet policier et un volet socio-éducatif, à des foyers spécifiques d’insécurité, tels le quartier Marie-Christine. Ce projet a d’emblée été critiqué, notamment au niveau des cibles visées, définies de manière floue et dont la dangerosité n’était pas démontrée. Un fait révélateur: l’espace de quelques semaines, ces cibles sont passées de l’appellation « bandes organisée » à celle de « bandes urbaines ». Sept communes ont finalement bénéficié de subventions. Et les millions ont été dépensés pour un bilan qui s’avère a priori très mitigé, selon les acteurs de terrain. Sauf dans le quartier Marie-Christine.

« Nous avons travaillé en réelle coopération avec les intervenants sociaux, explique le commissaire Amrani, de la 8e division (Bockstael). Chacun a joué son rôle, en respectant sa déontologie. La police s’est concentrée sur le noyau dur de la bande, avec, en amont, le soutien effectif du parquet de Bruxelles. Les éducateurs de quartier, eux, se sont occupés des suiveurs, ceux qui risquaient de se faire happer par le groupe. C’est un peu la politique du cordon sanitaire. Cela nous a permis d’éviter de mettre tous les jeunes dans le même sac, ce qui aurait suscité des réactions négatives de la part des mineurs qu’on pouvait encore « sauver ». Nous avons également associé les « forces vives » locales, tels les commerçants, les cafetiers ou les responsables de la mosquée, car il régnait dans le quartier une certaine passivité vis-à-vis des délinquants. »

« Cela a pas mal fonctionné, confirme Mehdi Naji, éducateur social. Nous sommes allés trouver la bande « Marie-Christine », y compris les meneurs. Nous avons joué franc jeu avec eux en leur exposant les tenants et aboutissants du double volet, répressif et social, du projet. Un peu plus de la moitié des jeunes nous ont suivis. Il a d’abord fallu leur expliquer que nous n’étions pas des « indics », que nous travaillions en accord avec la police, et non avec elle. De leur côté, ils avaient un certain nombre de règles à respecter: ne plus se faire arrêter, être assidus aux réunions (deux fois par semaine), obtenir des résultats scolaires satisfaisants. Nous les avons aidés dans toutes leurs démarches, surtout vis-à-vis des écoles. Dans certaines d’entre elles, nous avons constaté des pratiques réellement discriminatoires. »

Résultat: la bande « Marie-Christine » a été démantelée. Les « durs » ont été, pour partie, arrêtés. Quant à ceux qui ont suivi le projet social, la moitié a réussi ses examens scolaires, au mois de juin dernier. D’autres ont eu des examens de passage en septembre. Mais trois seulement ont été recalés. Le nombre d’infractions a chuté dans le quartier. Et les commerçants de la rue Marie-Christine ont retrouvé le sourire.

Le secret de la réussite, malgré un cadre de départ mal défini ? Vraisemblablement, une addition de fortes personnalités parmi les acteurs de terrain. Tous avaient la même volonté de parvenir à des solutions et ont accepté de s’asseoir à une même table, tout en gardant bien chacun son rôle. « L’approche du problème a été multiple, confie le commissaire divisionnaire Serge Debaer. La répression seule ne donne rien, elle doit être un outil parmi d’autres. » Policiers et travailleurs sociaux ont fait leur boulot, tout simplement…

Th. D.

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