Christian makarian
C’est le gisement favori des historiens : il n’existe aucune crise économique majeure qui n’entraîne des répercussions politiques en cascade. Celles qui menacent désormais l’Union européenne ne manquent pas de faire réfléchir – et frémir. D’abord, parce qu’il existe un risque de faillite bancaire dans les pays d’Europe de l’Est : de nombreuses banques, en particulier en Hongrie et en Lettonie, se sont trop endettées à l’extérieur, auprès d’institutions financières ouest-européennes, en contractant notamment des prêts en euros, sans imaginer que leurs fragiles monnaies nationales pourraient brusquement chuter. Ensuite, parce que les économies des Peco – sigle en vogue qui désigne les pays d’Europe centrale et orientale – se sont toutes relancées depuis la fin du bloc communiste en se positionnant comme fournisseurs à moindre coût des marchés européens, lesquels sont maintenant en proie à une récession hors normes. Enfin, la loi du silence s’est installée au niveau le plus élevé des Etats. Sous prétexte de ne pas ajouter à l’inquiétude des marchés et d’éviter à tout prix l’affolement général, on refuse les perspectives trop alarmistes comme les réformes audacieuses en laissant les mauvais chiffres tomber comme des météorites – ce qui est à peine plus rassurant.
Résultat, on assiste, quoi que l’on en dise, à une mise à l’épreuve du principe de solidarité sur lequel l’Union européenne est fondée. Encore traumatisé par le passé de son pays, le Premier ministre hongrois n’a pas hésité à déclarer : » Nous ne devons pas permettre qu’un rideau de fer divise l’Europe en deux. » Même si rien de tel n’est imaginable, le langage employé n’est pas neutre. La crise marque peu à peu le recroquevillement de l’Europe, traversée par l’esprit du sauve-qui-peut national, surtout lorsqu’on procède à une comparaison avec l’exemple américain. Certes, l’Union n’est pas une nation constituée, contrairement aux Etats-Unis, mais leurs poids sont comparables. Or il est flagrant que l’énergie avec laquelle Barack Obama a pris les rênes de l’économie, en décrétant une forte réduction du déficit budgétaire d’ici à 2013, décision accompagnée de nombreuses mesures de relance, ne connaît aucun équivalent sur le Vieux Continent. Ce qui pose une question cruciale : l’Union est-elle une entente utile par temps de prospérité ou un vrai destin politique commun ? n