Certains l’aiment chauve

Fronts dégarnis, sommets du crâne déplumés… La perte des cheveux est loin d’être banale chez l’homme. Les traitements sont d’une efficacité limitée. Et si on se réconciliait avec la calvitie?

Les hommes seraient-ils génétiquement programmés pour être… chauves ? Avec un premier pic de calvitie dès l’âge de 17 ans, 1 chance sur 3 d’être dégarni à 30 et 1 sur 2 à la cinquantaine, la question peut être posée. D’autant qu’en la matière les fils ont toutes les chances de suivre les traces de leur père. « On peut se demander pourquoi ce profil génétique est aussi fréquent et s’il n’a pas perduré parce qu’il présentait un avantage pour l’espèce, avance Dominique Van Neste, docteur en médecine (UCL) et fondateur de Skinterface, une PME de recherche et développement dans le domaine du cheveu à Tournai. Imaginez-vous dans la savane préhistorique, où seul le sommet de la tête est visible de loin: la calvitie naissante permet de distinguer un homme d’une femme. Elle pourrait être un signe distinctif sexué… Mais ce n’est là qu’une hypothèse », sourit Van Neste, lui-même quelque peu déplumé.

Il reste que cette « caractéristique » est rarement arborée avec fierté par les mâles d’aujourd’hui. De surcroît à bien y regarder, elle n’est pas totalement l’apanage des hommes. Les gènes se distribuent au hasard. Mais ils ne suffisent pas, à eux seuls, à provoquer la forme la plus courante d’alopécie, appelée androgénétique. Celle-ci est aussi influencée par la production d’une hormone, la dihydrotestostérone, un dérivé de la testostérone, principalement produite par les hommes. A gène égal, les femmes sont donc en partie protégées par leur production hormonale, différente de celle des hommes. De fait, leurs cheveaux sont plus rarement clairsemés que ceux de leurs compagnons, avec une intensité moindre et beaucoup plus tardivement.

Une autre forme de calvitie, beaucoup plus rare, touche indistinctement les femmes, les hommes, les enfants et même les nourrissons, dans des cas exceptionnels. Il s’agit de l’alopecia aerata ou pelade. « Il s’agit d’une maladie immunitaire, même si les personnes atteintes de pelade sont par ailleurs en excellente santé, précise Dominique Van Neste. L’organisme ne reconnaît plus certains follicules pileux comme étant les siens et il les détruit comme s’il s’agissait de dangereux envahisseurs. » Résultat : des cheveux tombent par plaques, en général dans des zones bien circonscrites. « La plupart des petites pelades passent spontanément, rassure-t-il. A défaut, un traitement à base de cortisone, par exemple, peut avoir de bons résultats. » Dans des cas plus rares, et en dépit d’autres thérapies, la pelade peut évoluer vers la perte totale des cheveux.

Pas de miracle, mais…

Et pour la calvitie de Monsieur tout le monde ? Les pharmacies et les rayons cosmétiques regorgent de produits. Soyons clair : seules deux substances ont, à ce jour, pu faire la preuve scientifique de leur efficacité. Toutes deux ont d’ailleurs été découvertes par hasard : leurs effets sur les cheveux font partie des effets secondaires de médicaments. Et leur action est loin d’être miraculeuse : l’arrêt du produit signe le retour à la case départ, à plus ou moins brève échéance.

Lae première à avoir été mise sur le marché en Europe est le minoxidil. A l’origine, la molécule active de ce produit était utilisée dans le traitement de l’hypertension. Avec cette substance, curieusement, certains hypertendus ont constaté une croissance des poils sur les avant-bras et le dos des mains. On a donc imaginé une application locale au niveau du cuir chevelu, sous forme de lotion, dans le cadre de la calvitie.

Pratiquement sans effets secondaires, si ce n’est un rare risque d’allergie, on ne connaît toujours pas son mode de fonctionnement. Dominique Van Neste le compare à un engrais qui stimulerait les follicules pileux devenus moins productifs : « 30 % de ceux qui l’utilisent en sont satisfaits, note-t-il, mais il s’agit là d’un jugement subjectif. »

Si l’on tente d’en mesurer les effets de façon objective, on constate que le minoxidil provoque un allongement du temps de croissance du cheveu, ce qui a pour effet d’augmenter le volume de la chevelure sans pour autant multiplier le nombre des cheveux. « Une hausse de l’ordre de 10 % suffit à donner l’impression qu’on a plus de cheveux. Et, sans traitement, la chevelure continuerait à diminuer inexorablement », précise Van Neste.

Plébiscite

Il faut plusieurs mois pour obtenir l’effet maximum de ce produit. Un premier « coup de feu » survient alors et il se reproduit deux fois, mais jamais avec la même intensité. Les bénéfices ont ensuite tendance à décroître, surtout après les deux premières années. En cas d’arrêt du traitement, tous les bénéfices disparaissent progressivement. Au bout de deux à trois mois, on se retrouve au point où l’on était avant de le commencer… Quoi qu’il en soit, il s’agissait, jusqu’il y a peu, du seul traitement à avoir pu démontrer une certaine efficacité dans les formes de calvitie modérée, pour l’homme comme pour la femme.

La deuxième substance en date est un comprimé : le finastéride. Il a été accepté dans la plupart des pays européens, mais pas encore en Belgique. Exclusivement réservé à l’homme, il est interdit chez la femme : avant la ménopause, il peut en effet provoquer des malformations foetales lorsqu’elle est enceinte d’un garçon ; après la ménopause, il est tout simplement inefficace.

Chez les hommes, par contre, il est plébiscité. « De 65 à 80 % d’entre eux en sont satisfaits », constate Dominique Van Neste. Le finastéride agit directement sur l’un des mécanismes de l’alopécie androgénétique, en inhibant la production de dihydrotestostérone. Les études cliniques montrent qu’après douze mois de traitement, le produit stoppe le processus de chute de cheveux dans 86 % des cas et qu’il favorise la repousse dans 48 % des cas. Cette cure apparaît donc efficace. Avec, toutefois un petit bémol : les études en question ont porté uniquement sur des hommes âgés de 18 à 41 ans qui présentaient une alopécie légère ou modérée du vertex ou de la zone frontale. Cela signifie que l’efficacité n’a pu être établie que sur des stades peu évolués de l’alopécie androgénique chez l’homme, et pas sur un stade avancé de la chute des cheveux. De plus, l’action du produit n’a pu être établie que sur certains endroits (le sommet du crâne et le haut du front) mais pas sur les zones dégarnies des tempes. Après deux années d’utilisation, il semblerait que le finastéride stabilise le nombre de cheveux. Ensuite, les données manquent. A l’arrêt du traitement, les bénéfices de la pilule disparaissent un peu plus lentement que ceux de la lotion. « Il faut un an pour revenir à la case départ, » estime Dominique Van Neste.

Le finastéride entraîne un effet secondaire rare : 2 % des hommes rapportent une diminution de la libido, des problèmes d’érection et une baisse du volume d’éjaculat. Une conséquence assez logique, puisque le finastéride est avant tout, à dose plus élevée, un médicament contre l’hypertrophie bénigne de la prostate et que ces inconvénients avaient déjà été signalés. « Une fois sur deux, ces effets indésirables disparaissent spontanément chez les hommes qui poursuivent le traitement, rassure Dominique Van Neste. Et ils disparaissent complètement après l’interruption du traitement. »

Aucun des traitements de l’alopécie n’est remboursé par l’assurance-maladie. Or ils sont assez coûteux. « Ils peuvent néanmoins fournir une aide transitoire, en donnant du temps aux jeunes hommes pour accepter leur calvitie », souligne Dominique Van Neste. La calvitie n’est pas une maladie. Il s’agit avant tout d’une question de société et d’image de soi. Une question culturelle, en somme. Ne vaudrait-il pas mieux la réhabiliter en rappelant qu’elle est, aussi, considérée comme un signe extérieur de virilité ?

Nathalie Grafe

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