Lorenzo Stefani, porte-parole de Touring. © DR

« Ce péage est une frontière féodale, pas une taxe « intelligente »! »

Touring reproche à la Région bruxelloise d’agir de sa propre initiative. Son porte-parole, Lorenzo Stefani, critique une taxe de congestion qui, estime-t-il, « met le couteau sous la gorge des automobilistes et des navetteurs ».

Remplacer les taxes de mise en circulation et de circulation bruxelloises par une taxation « intelligente » ne vous convainc pas?

Cette taxe automobile n’a rien d' »intelligent »! Le mot « intelligent » dérive du latin intelligere, « connaître », mais aussi « relier », « faire le lien ». La Région bruxelloise a pris une initiative unilatérale, sans « faire le lien » avec les autres Régions. Du coup, elle se retrouve complètement isolée de la Flandre et de la Wallonie. Le fédéral a lui-même fait savoir qu’il n’avait pas été officiellement mis au courant du projet qui a fuité ces derniers jours. C’est lamentable de travailler ainsi dans son coin. Ce manque de concertation, une habitude entre Régions, est la preuve que la mobilité doit redevenir une compétence exclusivement fédérale. Les autorités bruxelloises vont se heurter à un mur: la Flandre et la Wallonie vont opposer leur veto à cette taxe de congestion. Les études réalisées pour élaborer le dispositif ont coûté cher au contribuable bruxellois. Tout cela pour un projet mort-né. Il est temps d’arrêter les frais.

LA TAXE KILOMÉTRIQUE D’ACCORD, MAIS ALORS POUR TOUT LE PAYS.

Concrètement, qu’est-ce qui vous heurte le plus dans ce péage urbain?

L’utilisation du terme « frontière ». Elever un mur fiscal, devoir payer pour entrer en ville, c’est revenir à l’époque féodale! Le territoire belge ne peut se morceler ainsi à coup de politiques fiscales différentes. Avec ce péage urbain, la politique bruxelloise antivoitures franchit une étape de plus, après la création de nouvelles pistes cyclables. Cette politique est anti- démocratique. Seuls ceux qui en ont les moyens pourront encore aller au travail en voiture.

Quelles autres conséquences aura cette taxe bruxelloise, selon vous?

Elle va freiner le va-et-vient des commerçants et autres personnes qui font fonctionner l’économie de la capitale. Des corps de métiers de Wallonie et de Flandre, comme les chauffagistes et les jardiniers, ne voudront plus s’y rendre, ou alors ils feront payer plus cher leurs prestations à leurs clients bruxellois pour compenser le péage. Il faudrait renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs au lieu de les charger d’une taxe supplémentaire. D’autant que l’économie vit une relance difficile, plombée par la deuxième vague de Covid-19. Nous plaidons pour une révision de la fiscalité automobile. Taxer l’usage de la voiture plutôt que sa possession est une bonne idée. Mais la taxation kilométrique doit être uniforme pour tout le pays. Et elle ne peut se traduire par une augmentation de la facture de l’automobiliste.

Vous pensez que ce projet de péage bruxellois va aboutir?

Il est déjà en phase 3 sur 4! Si le gouvernement bruxellois donne son feu vert, il sera testé dès 2021 et appliqué l’année suivante. Cela dit, ce péage urbain sera compliqué à mettre en place et à contrôler. Voyez aujourd’hui les difficultés administratives qu’engendre la perception des amendes pour contravention. Une certitude: la Région met la charrue avant les boeufs. Tant qu’il n’y a pas, pour ceux qui doivent rejoindre la capitale, de réelle alternative à la voiture, cela n’a pas de sens d’instaurer une taxe antibouchons. Voilà plus de vingt ans qu’on attend en vain le RER! Prendre comme modèle le péage routier de Londres, c’est oublier que la capitale britannique dispose d’un réseau de bus et de métro dense et étendu, ce que Bruxelles n’a pas.

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