Cartographie bancaire

Le tableau ci-contre récapitule, pour les 50 principales banques actives et quelques autres établissements connus, plusieurs informations importantes. A noter que nous n’avons pas repris Kaupthing. En effet, Kaupthing Bank Luxembourg est en passe d’être acquise par des investisseurs libyens, et ses clients belges seront repris par le groupe Crédit agricole.

1. Le montant (en millions d’euros) du total du bilan au 31/12/2007, hormis pour celles qui ne clôturent pas leur exercice comptable à la fin de l’année comme Banque Degroof, SMBC State Bank of India…

2. Le groupe ou le principal actionnaire : il s’agit du propriétaire de la banque et de son pays d’origine.

3. La garantie d’application : il convient de signaler que la garantie belge vaut pour toutes les banques belges (même s’il s’agit de filiales de banques étrangères) et les succursales de banques non membres de l’espace économique européen. Pour les succursales de banques membres de l’espace économique européen, c’est la garantie étrangère qui est d’application. Les différentes garanties reprises dans le tableau :

Belgique : 100 000 euros

Pays-Bas : 100 000 euros

France : 70 000 euros

Espagne : 100 000 euros

Allemagne : illimitée

Angleterre : 50 000 livres sterling (environ 52 700 euros)

4. La solvabilité : sauf mention contraire, il s’agit du ratio Tier 1 au 30 septembre 2008 pour la maison mère de la banque concernée. A noter que le ratio Tier 1 ne concerne pas les groupes d’assurances (Axa, Ethias, Aviva). Suivant les accords réglementaires de Bâle, le ratio Tier 1 doit atteindre au moins 4 %, mais les banques visent pour la plupart un chiffre de 6 à 7 % en temps normal… En cette période de crise, seuls les établissements qui affichent un ratio d’au moins 10 % ont la confiance des marchés.

Voici pour les chiffres, mais d’autres explications s’imposent. Lexique et décryptage.

Garantie factice ?

A l’automne dernier, plusieurs Etats européens dont la Belgique ont relevé le plafond de garantie des dépôts bancaires à 100 000 euros. L’Allemagne est même allée jusqu’à offrir une garantie illimitée. De telles garanties sont-elles réellement finançables ? S’il ne semble pas insurmontable pour un Etat de dédommager 20 000 clients à hauteur de 100 000 euros, soit 2 milliards d’euros au total – comme dans le cas de Kaupthing Bank Luxembourg, la filiale qui contrôlait la succursale belge -, on est en droit de se demander ce qu’il adviendrait si une de nos quatre grandes banques (Fortis, Dexia, KBC et ING) devait tomber en faillite. Les réserves du Fonds de protection des dépôts et des instruments financiers s’élevaient à 765 millions d’euros à la fin 2007, soit à peine de quoi indemniser 7 650 personnes à hauteur de 100 000 euros alors que Fortis Banque, par exemple, compte près de 3 millions de clients dont les dépôts pesaient 143 milliards d’euros au 30 septembre 2008.

Même pour l’Etat, il serait impossible de débourser plus de 100 milliards d’euros en cas de faillite. A titre de comparaison, le budget de l’Etat fédéral laisse apparaître des recettes (y compris impôts directs, TVA…) de 99,2 milliards d’euros pour 2008. Et la Belgique est loin d’être le seul pays dans ce cas. Les garanties promises ne seraient-elles donc que poudre aux yeux ? En partie seulement. Le principal objectif est en effet de rassurer les épargnants qui sont ainsi moins tentés de retirer leurs fonds pour les conserver sous leurs matelas. De plus, cela permet aux établissements de plus petite envergure d’offrir un filet de protection à leurs clients qui, sans cela, pourraient être tentés de fuir étant donné que, pour un Etat, il n’est pas inconcevable de laisser une banque mineure tomber en faillite. Outre Lehman Brothers, de nombreuses banques régionales ont ainsi été acculées à la faillite aux Etats-Unis. En Belgique, l’exemple de Kaupthing est également éloquent.

Prévention

Globalement, les pouvoirs publics ont donc tout intérêt à éviter la bascule des acteurs majeurs de leur paysage bancaire, ce qui passe par des plans de soutien et opérations de sauvetage. Depuis le début de la crise, les pouvoirs publics ont consacré près de 25 milliards d’euros au sauvetage des banques. Jamais à fonds complètement perdus puisque chaque opération a été effectuée en échange de titres ou sous forme de prêts. En tenant compte du plafond garanti de 100 000 euros, cette somme aurait permis d’indemniser 250 000 personnes, soit nettement moins que les millions de clients de Fortis, Dexia, KBC et Ethias réunis. Pour l’Etat, venir au secours des banques est donc une nécessité économique (confiance des acteurs économiques, répercussions d’une faillite sur l’économie) et financière (moins lourd que supporter la garantie).

Solvabilité

Cet objectif d’éviter par tous les moyens une faillite insupportable pose évidemment la question de la solidité des banques et donc de leur solvabilité. L’une des mesures les plus utilisées est le ratio Tier 1. Ce dernier exprime en pourcentage la valeur des fonds propres de base de la banque par rapport à ses engagements pondérés, soit globalement la valeur des prêts consentis ajustée aux risques (qualité du débiteur, devises…).

Suivant les accords réglementaires de Bâle, le ratio Tier 1 doit atteindre au moins 4 %. Il s’agit toutefois d’un seuil minimal par rapport auquel les banques préfèrent se laisser une marge de man£uvre, la plupart visant un chiffre de 6 à 7 % en temps normal… En cette période de crise, seuls les établissements affichant un ratio d’au moins 10 % reçoivent la confiance des marchés.

Produits toxiques

Les fonds propres d’une banque sont grevés par les pertes qu’elle réalise ainsi que par les réductions de valeur qui ne sont pas comptabilisées en résultats mais uniquement au bilan (par exemple, des moins-values latentes qui ne seront vraisemblablement pas réalisées). Depuis quelques années, les banques doivent publier leurs comptes suivant les normes comptables IFRS qui sont basées sur le principe de  » juste valeur  » qui fait référence, pour la plupart des produits financiers, à la valeur de marché. S’il apparaît évident qu’un organisme financier valorise des actions à leur cours de Bourse, l’application de la valeur de marché est bien plus compliquée pour les produits structurés qui ont été qualifiés de produits toxiques. Le marché s’étant quasiment éteint pour ces produits, il n’existe pratiquement plus aucun prix de référence. De plus, il existe une multitude de types de produits différents, portant sur des crédits individuels, ce qui rend toute comparaison difficile. Globalement, la valorisation de ces produits toxiques apparaît de plus en plus aléatoire.

Bad bank

Récemment, plusieurs membres du gouvernement ont évoqué l’éventualité de créer une  » bad bank  » ( » mauvaise banque « ) en Belgique. Concrètement, cela consiste à isoler les actifs qui plombent le bilan des banques dans une structure spécialement créée à cet effet. La création d’une telle entité n’implique pas forcément l’intervention de l’Etat, chaque banque pouvant isoler individuellement ses actifs toxiques à l’image de Citigroup. L’ex-première banque mondiale a ainsi annoncé son intention de se scinder en deux pour cantonner ses actifs les plus risqués dans une nouvelle structure.

L’exemple de bad bank le plus célèbre remonte toutefois à 1989. Les Etats-Unis avaient alors créé le Resolution Trust Corporation pour solder les actifs des caisses d’épargne tombées en faillite. Sept ans plus tard, la mission était accomplie, mais avec une perte estimée à près de 150 milliards de dollars.

En Belgique, il semble que l’on pourrait s’orienter vers une solution sous l’égide de l’Etat. Dans ce cas, ce sont les contribuables qui subissent les pertes ultérieures tandis que si la bad bank est créée par scission d’un établissement en deux entités, ce sont les actionnaires qui trinquent. Il semblerait toutefois que le gouvernement planche encore sur plusieurs solutions  » permanentes  » et nous pouvons nous demander dans quelle mesure l’évolution du dossier n’influera pas sur la création potentielle d’une bad bank belge étant donné que Fortis Banque détient un portefeuille de produits structurés  » toxiques  » d’une valeur de quelque 40 milliards d’euros. Globalement, une intervention publique systématique apparaît toutefois comme inévitable afin de résoudre la crise actuelle, les interventions en urgence ayant pour seul but de sauver l’essentiel.

Cédric Boitte

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