Ça mitraille chez les Stéphanois

Entre la réhabilitation du site Henricot 2 et les velléités constructrices de Bouygues, Court-Saint-Etienne vit des mois mouvementés.

Une fin d’après-midi comme les autres, dans la paisible maison communale de Court-Saint-Etienne. Dans le couloir, sans le vouloir, on entend le bourgmestre évoquer, avec ses collaborateurs, la dépollution du site Henricot 2. Pas de la tarte manifestement : ça coûte un pont de s’attaquer au sol meurtri. Confirmation quelques minutes plus tard :  » Il y a encore énormément d’inconnues au niveau des coûts de dépollution. La Région s’est engagée à s’attaquer aux poches de pollution les plus importantes : les poches d’hydrocarbure, de cadmium et de naphtalène. Reste que, sur le solde du site, il y a encore de la pollution : même s’il y a des promoteurs intéressés, il est donc prématuré de dire si on fera du logement sur le site ou pas « , assure le mayeur libéral Michael Goblet d’Alviella.

Du côté de la Région, on confirme :  » Il va falloir minéraliser le sol pollué, l’isoler. On est déjà à 2 millions d’euros d’investissements « , explique le ministre André Antoine (CDH).

Henricot 2, site emblématique de la commune, s’inscrit dans la continuité, c’est logique, de la réaffectation d’Henricot 1, rasé en son temps, dépollué et transformé en logements. Henricot 2, en réalité, est une extension de près de 7 hectares des anciennes usines Henricot, qui produisaient notamment des aciers spéciaux, des crochets de wagons ou encore des tôles. Et qui ont arrêté leurs activités en 1984. Le terrain est en partie propriété communale et en partie propriété de privés, qui ont racheté des bouts de terre à l’époque de la curatelle.

 » A ce stade, l’ensemble des bâtiments ont presque tous été démolis, à l’exception du Modelage, construction simple et efficace vendue à un particulier en 2001, et du Parc à Mitrailles, bâtiment qui est devenu un grand hangar d’accueil pour événements culturels « , poursuit Michael Goblet d’Aviella.

Dans ce dossier, la Région met également la main à la pâte pour découvrir la Dyle sur plusieurs centaines de mètres (60 % des coûts, le ministre régional Benoît Lutgen ayant annoncé en février l’octroi de 543 000 euros de subsides) et pour construire un nouveau pont. C’est également la Région qui a pris en charge la démolition du hall appelé Bétatron. Au grand dam des quelques Stéphanois, dont un professeur d’architecture de l’ULB, qui souhaitaient rendre une nouvelle vie à cet édifice chargé d’histoire pour les enfants d’ouvriers. Leurs protestations ont été vaines, et le Betatron a bel et bien été rayé de la carte.

Des projets résidentiels contestés

De manière générale, les Stéphanois ne sont pas les moins tenaces, à l’heure de discuter les projets avec lesquels ils sont en désaccord. En témoignent les féroces oppositions aux projets résidentiels de Bouygues, à Faux et au Val de Croix.

Dans le premier cas, au Val de Croix, Bouygues souhaite installer 220 logements, dont une majorité de maisons : le projet, imaginé entre la N275, la voie ferrée et la Thyle, est toujours à l’étude à la commune, après avoir passé le cap de l’enquête publique et de l’étude d’incidence. Des problèmes éventuels de mobilité et d’implantations paysagères gênent encore les autorités locales, qui sont pourtant clairement favorables au projet :  » Il s’agit de terrains à bâtir, il n’y a rien d’illogique à vouloir y faire du logement. C’est dans la continuation du développement urbain « , soutient le mayeur, qui rencontrait encore récemment les promoteurs pour arrondir les angles.

Bouygues a d’autres ambitions résidentielles, plus loin, dans le hameau de Faux : le promoteur voulait, dans un premier temps, ériger 84 logements dans la prolongation du lotissement Lobra (ou parc de la Thyle), construit dans les années 1970. Tollé.

 » Comme ce projet de Bouygues a soulevé une opposition de la part des habitants du lotissement Lobra, parfois avec raison d’ailleurs, un amalgame a commencé à naître entre le lotissement de Faux et celui de Val de Croix. De fait, le Val de Croix fut le premier projet déposé par le promoteur, et à l’enquête publique, il n’y a eu aucune réclamation « , raconte le bourgmestre. La commune a également refusé le permis de lotir tel qu’introduit initialement par Bouygues, car il n’y avait pas suffisamment de raisons, argue-t-on du côté de Court-Saint-Etienne, de déroger au plan de secteur qui prévoyait une densité d’habitat moins élevée dans cette zone.  » Nous ne sommes pas contre, mais il faut qu’ils revoient leur projet. « 

Autre développement en forme de long fleuve tout sauf tranquille : le projet du Neufbois. Cette zone, appartenant à l’ASBL Solidarité – un don de la famille Henricot, qui incluait le château Henricot – abrite actuellement le  » Home Henricot « , maison maternelle pour femmes en difficulté couplée à des services liés à la petite enfance.  » C’est cette dernière activité qui est en déficit, pour l’ASBL. Qui a décidé de vendre à Thomas & Piron, qui prévoit de reconstruire un bâtiment d’accueil, de raser le château et d’implanter 77 logements (au départ, le projet visait 170 logements) sous forme d’immeubles à appartements « , plante Michael Goblet d’Aviella.

Souci, là encore : le permis est actuellement contesté au Conseil d’Etat, suite à des recours introduits par des riverains et liés notamment au nombre de voitures qu’un tel redéploiement impliquerait.  » Ce sont trois riverains vivant de l’autre côté de la rue qui ont lancé cette action. Le home Henricot s’enlise donc chaque jour un petit peu plus. « 

Dans ces trois projets, ce sont à chaque fois les problèmes de mobilité (plus d’habitants, c’est aussi plus de véhicules), de gabarit, de densité ou d’impact paysager qui tracassent les riverains : jusqu’à présent, leur opposition a porté ses fruits puisqu’aucun de ces développements n’est passé en force (mis à part la démolition du Bétatron).

 » Une zone d’activité économique ? Commençons par Henricot 2 ! « 

Si le Brabant wallon manque manifestement de zones d’activité économique, ce n’est probablement pas, du moins dans un premier temps, à Court-Saint-Etienne que le problème va s’arranger. Quand on évoque avec André Antoine le v£u du mayeur stéphanois d’implanter l’une de ces zones le long de la très fréquentée N25  » malgré cet avantage-là, nous n’avons aucune zone susceptible d’accueillir des PME, de l’emploi « , le ministre régional CDH renvoie la balle à Michael Goblet d’Aviella :  » Commençons d’abord par réussir la reconversion du site Henricot 2.  » Et ce même si, comme il le dit par ailleurs, André Antoine n’est pas défavorable, a priori, à de nouvelles implantations de zones de ce type. Même à Court-Saint-Etienne…

G.V.

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