Boston Pas de panique

Malgré le récent attentat, l’Amérique semble affronter avec calme et sans paranoïa sécuritaire la menace terroriste. L’époque Bush est bien finie.

DE NOTRE CORRESPONDANT

Nous savons où tu vas sur Internet et à qui tu téléphones. Nous savons ce que tu manges. Nous savons tout sur toi !  » En janvier 2011, faute d’avoir grand-chose à lui reprocher, les agents du FBI conseillaient sans détour à Tamerlan Tsarnaev de se tenir tranquille. L’enquête des policiers américains, initiée à la demande des services russes du contre-terrorisme, n’avait rien trouvé de répréhensible dans les agissements du jeune immigré tchétchène. Deux ans plus tard, pourtant, le 15 avril dernier, Tamerlan et son petit frère, Djokhar, devenus citoyens américains, poseraient leurs bombes sur le parcours du marathon de Boston. L’Amérique se serait-elle abandonnée au laxisme ?

Obama réitère sa promesse de fermer Guantanamo

Barack Obama a ordonné, pour le principe, une enquête administrative sur d’éventuels cafouillages de l’appareil de sécurité, mais les quelques républicains qui ont voulu stigmatiser une prétendue incurie du gouvernement face à la menace terroriste n’ont guère trouvé d’écho dans l’opinion publique. Car les temps ont changé.

A la frénésie ultrasécuritaire de l’après-11 septembre succède peu à peu l’ère des scrupules. Un signe parmi d’autres : quand les juristes du Center for Constitutional Rights (Centre pour les droits constitutionnels) ont reproché aux autorités d’avoir écorné les procédures en tardant à informer Djokhar Tsarnaev de ses droits après son arrestation, ils n’ont pas essuyé de railleries.

En réponse au sénateur Lindsey Graham, nostalgique de l’ère Bush, qui a exigé que le terroriste soit désigné comme  » combattant ennemi  » et remis à la CIA dans une geôle de l’armée, Obama a réaffirmé, le 30 avril, la prééminence et l’efficacité des cours pénales civiles. Mieux, deux semaines après l’attentat de Boston, le président a réitéré sa promesse, oubliée pendant quatre ans, de fermer la prison de Guantanamo, dont la moitié des 160 détenus, emprisonnés sans procès depuis onze ans, mènent une grève de la faim. La Maison-Blanche court peu de risques politiques. Selon un sondage CNN-Time publié le 1er mai, 6 Américains sur 10 renâclent désormais à restreindre leurs droits civiques au nom de leur sécurité. Ils sont aussi nombreux à considérer que le recours à des mesures d’exception ne servirait à rien contre les  » loups solitaires « , ces terroristes improvisés semblables à ceux de Boston.

L’immense machine occulte de  » guerre contre la terreur « , maintenue par Obama, a certes eu raison de Ben Laden et perturbé la hiérarchie d’Al-Qaeda. Pour autant, en juin 2010, seule la vigilance de vendeurs ambulants new-yorkais a permis de repérer à temps une voiture piégée garée en plein Times Square.  » Ce n’est pas la CIA qui a évité l’explosion d’une bombe dans un avion approchant de Detroit en 2009, ironise Richard Clarke, ancien conseiller de sécurité de Bill Clinton. C’est la chance ! Un mauvais amorçage de l’explosif par le jeune terroriste nigérian.  »

Le retour à la raison sécuritaire s’expliquerait-il par le fatalisme ? Le 19 avril, les 30 000 habitants de Watertown, une banlieue de Boston, ont pourtant été priés, au mépris de la Constitution, de rester cloîtrés chez eux tandis que la police fouillait chaque maison à la recherche de Djokhar Tsarnaev. Cette opération spectaculaire et sans précédent se voulait avant tout un avertissement aux futurs terroristes amateurs. Une preuve de la détermination américaine à obtenir justice ; une dissuasion nourrie aussi par l’énergie du désespoir…

PHILIPPE COSTE

 » Ce n’est pas la CIA qui a évité l’explosion d’une bombe dans un avion approchant de Detroit en 2009, c’est la chance !  »

RICHARD CLARKE, EX-CONSEILLER SÉCURITÉ DE BILL CLINTON

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