Bois du Cazier

A Marcinelle, le site du charbonnage du Bois du Cazier rouvre ses grilles sur son terrible passé. Deux musées y accueillent désomais les visiteurs là où, il y a 46 ans, 262 mineurs perdaient la vie

Accrochées aux grilles classées du charbonnage de Marcinelle, des centaines de femmes en pleurs. Pendant des jours, elles ont attendu que leur mari remonte de la mine en feu au Bois du Cazier. En vain… Quarante-six ans après, les grilles sont classées et site, soigneusement remis à neuf. Il abrite, depuis le 8 mars dernier, deux musées retraçant l’histoire industrielle de notre pays.

Le premier espace est le musée de l’Industrie, anciennement situé à Marchienne-au-Pont et transféré à Marcinelle. L’autre est dédié au souvenir. A l’entrée, une petite pancarte noire indique, simplement, « 8 août 1956 », jour tragique de notre aventure minière. Ce matin-là, 274 mineurs sont au travail. Un wagonnet de charbon mal engagé dans l’ascenseur du puits d’extraction arrache une poutrelle. Elle emboutit les conduits d’huile et d’air comprimé, et cause de nombreux court-circuits. Huile, air, électricité: l’incendie est inévitable. Seuls douze mineurs parviennent à remonter rapidement à la surface. La plupart des hommes sont coincés à 1 035 mètres de profondeur. Les secours n’atteidront ce niveau que quinze jours après l’accident. A leur retour, ils annoncent l’horrible nouvelle: « Tutti cadaveri! Allen dood! Tous morts! » Le bilan est de 262 victimes, dont 136 Italiens et 95 Belges.

L’espace « 8 août 1956 » relate heure par heure la catastrophe et les opérations de sauvetage qui ont suivi. Les plus adroits des visiteurs peuvent y accéder par une galerie minière fidèlement reconstituée. Dans la salle principale, la machine d’extraction de l’ancien charbonnage de Tamines s’impose par sa grandeur. Un mur a dû être éventré pour l’y faire entrer. A la sortie, un film émouvant mêle images d’archives et témoignages de l’accident.

Au musée de l’Industrie, le visiteur muni d’un audio-guide disponible en plusieurs langues, commence son parcours par l’imprimerie. Ensuite, il pénètre dans la salle des Pendus. Sa reconstitution est un clin d’oeil au système ingénieux des mineurs pour sécher leurs vêtements entre deux descentes. La visite se poursuit dans une ambiance interactive: DVD illustratifs, jeux et un grand échiquier postindustriel dont les cases s’illuminent sous les pas des promeneurs. Mais la pièce maîtresse du musée est sans conteste le laminoir à tôles. Il donnait forme au métal grâce à deux cylindres qui agissaient sur les lingots comme le font le marteau et l’enclume.

Un exploit

Dix-huit petits mois ont été nécessaires à la Région wallonne et à l’ASBL Archéologie industrielle de la Sambre pour réaliser la première phase du projet imaginé il y a plus de dix ans: la valorisation du charbonnage du Bois du Cazier. L’exploit est de taille: quand les travaux de rénovation ont commencé fin 2000, les bâtiments étaient complètement en ruine, ou avaient été vandalisés et pillés. Dans la seconde phase du projet, il est prévu de transférer le musée du Verre et le musée Jules Destrée de Charleroi au Bois du Cazier.

Pour concrétiser leur vieux rêve, les auteurs du projet ont bénéficié d’une aide européenne, dans le cadre de l’Objectif. Au total, 20 millions d’euros. Coûteux, mais sans doute prometteur pour Charleroi en termes d’image et de rentrées financières.

Plusieurs bâtiments doivent encore être rénovés avant que le site ne puisse accueillir d’autres musées. Il faut aussi régler le sort de la haute tour délabrée qui domine le charbonnage. L’option sera vraisemblablement celle du moindre coût, à savoir la destruction. A cela s’ajoute la construction d’un restaurant, d’un mémorial, d’ateliers vivants,… Bref, il reste du pain sur la planche. Mais le projet est devenu réalité. Les cérémonies de commémoration de la catastrophe pourront maintenant se dérouler sur le site même, ce qui était impossible auparavant vu son état de délabrement avancé.

Le site est ouvert tous les jours, sauf le lundi et les jours fériés, de 9 à 17 heures.

Candy Petter

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