After Memling's Portrait of a Young Man, Kehinde Wiley, 2013. © COURTESY OF THE ARTIST AND ROBERTS PROJECTS, LOS ANGELES, CALIFORNIA

Black is beautiful

Kehinde Wiley détourne la trame des portraits imaginés par Hans Memling pour exalter la beauté des corps noirs. Et offre ainsi un écho on ne peut plus actuel à ces chefs-d’oeuvre du XVe siècle.

Juste à côté du grenier de Dixmude, pièce dans laquelle est présentée l’infernale fournaise de David Claerbout (sous l’une des plus imposantes charpentes en chêne d’Europe, ce qui n’est pas sans ironie), une salle d’exposition annexe fait office de paradis esthétique. A bien des égards, elle se découvre comme le climax de Memling Now, ne serait-ce qu’en raison de ses contours de chapelle méditative.

Plongée dans une quasi-obscurité, celle-ci fait place à cinq retables de Kehinde Wiley (Los Angeles, 1977) en conversation directe avec Portrait d’un membre de la famille de Rojas (vers 1465-1470). Cette huile sur bois d’environ un mètre de haut sur cinquante centimètres de large, qui constituait autrefois le volet gauche d’un triptyque, révèle toute la douceur picturale avec laquelle Memling enrobait ses commanditaires, leur offrant de la sorte un passeport pour l’éternité. Le caractère délicat des mains, la finesse des traits, la droiture du nez… tout compose une ode aux grands de ce monde. Et les autres? Vae victis. Le traitement n’est pas toujours aussi attentionné. La collection du Musée Memling le prouve ici avec un portrait, signé par un anonyme du XVIIIe siècle, représentant un médecin plantant son scalpel dans l’oeil d’un enfant, ou là, avec une leçon d’anatomie du XVIIe qui ne lésine pas sur la quantité de boyaux apparents. Du coup, c’est avec deux fois plus d’attention que l’on savoure les portraits du peintre américain en ce qu’ils signent une réappropriation de l’image bienvenue.

Miraculeusement sauvé des laves de son quartier d’enfance – le peu amène South Central – et diplômé de Yale, Wiley a débuté sa carrière dans les rues de Harlem, où il dénichait ses sujets à la faveur de castings sauvages. Aussi urbains qu’athlétiques, les modèles ayant consenti à prendre la pose étaient projetés sur fonds éclatants comme des boubous africains dans des attitudes précieuses recopiées des maîtres classiques.

Ce processus est passé à la vitesse supérieure lorsque le Californien a entrepris, jusque dans le détail d’un encadrement doré à la feuille d’or 22 carats, d’inscrire ses protégés dans les pas de Memling. La série date de 2013 qui renvoie à des mises en scène précises, comme le portrait de Maarten van Nieuwenhove . Il reste que notre préférence va vers ce After Memling’s Portrait of a Young Man mettant en scène un jeune homme en chemise à carreaux. Ses longues mains d’orant et sa concentration invitent au recueillement. Toutefois, un détail le fait différer des portraits signés par Memling: son regard. Là où les nobles promenaient leurs yeux dans l’éther, les Afro-Américains de Wiley nous fixent sans ciller. La beauté ne se discute pas, elle s’impose.

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