Belgique en ligne

Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

A la traîne dans les technologies de l’information, la Belgique peut encore remonter en tête du peloton. Le Cercle économique de la Fondation Roi Baudouin présente 30 propositions pour combler le retard

« La Belgique a loupé le virage Internet. » Lâchée par le professeur belge Arnoud De Meyer, spécialiste des nouvelles technologies à l’INSEAD France (l’Institut européen d’administration des affaires) et doyen de l’INSEAD Asie (Singapour), la remarque interpelle. Rassurant, il précise que tout n’est pas perdu pour autant. « Il y a encore des places à prendre. Même si nous ne sommes pas vraiment en position de leader – nos niveaux de développement hardware et software sont loin d’être à la pointe -, je suis convaincu qu’il y a encore un rôle à jouer dans la création et la gestion d’informations. En réagissant rapidement, on peut transformer la Belgique en carrefour incontournable dans la gestion de ces flux de données. » Voilà, en résumé, le sens de 30 propositions pour la e-Belgique de demain, un ouvrage coordoné par Arnoud De Meyer – en collaboration, pour certains aspects, avec des chercheurs des Universités de Liège et de Leuven – pour le compte du Cercle économique de la Fondation Roi Baudouin. Après cet aveu de retard, étayé par un classement de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui place la Belgique, au même titre que l’Australie, l’Espagne, la Turquie ou l’Allemagne…, parmi les pays à faible intensité d’utilisation des TIC (technologies de l’information et des communications), l’ouvrage embraie rapidement sur des propositions concrètes pour sortir le pays de son marasme électro-communico-informatique. Des mesures qui reposent essentiellement sur une collaboration et des échanges entre l’Etat, l’enseignement, les entreprises et les partenaires sociaux.

« Pourquoi l’e-gouvernement fonctionne-t-il bien en Suède, en Finlande ou à Singapour, interroge De Meyer ? Dans ces pays, on a une vision claire de ce que doit être le service à destination du client/citoyen. En Belgique, dans les rares projets Internet mis en place, on essaie simplement d’automatiser ce qui existait déjà. Le citoyen est-il vraiment intéressé par la possibilité de remplir une déclaration TVA ou sa feuille d’impôt sur le Net? Est-ce vraiment plus intéressant que le formulaire papier? Par contre, trouver sous une interface unique, un formulaire permettant d’introduire, en une seule opération, toutes les démarches administratives nécessaires à la construction d’une habitation apportera de réels avantages au candidat bâtisseur. L’utilisateur doit sentir qu’il gagne du temps lorsqu’il utilise les nouvelles technologies. En automatisant de mauvaises procédures, on ne lui facilite pas la vie. » « Les sites des différents ministères sont une bonne illustration de ce manque de vision, reprend Benoît Fontaine, directeur adjoint de la Fondation. Les informations peuvent y être consultées en fonction de l’organisation des ministères et non en fonction des questions que vous vous posez. »

En ce qui concerne l’enseignement, mais également l’utilisation des TIC dans les sociétés, De Meyer regrette le manque de moyens accordés aux ressources humaines. « Il convient de consentir un effort massif pour la formation des enseignants et des employés. Le hardware sans la personne n’est rien. » S’agissant du marché, continue Bruno Van Lierde, senior vice-président de Boston Consulting Group et président du Cercle économique, « il serait bon de créer un véritable tissu local d’entreprises spécialisées dans les TIC. Pour ce faire, les grandes entreprises pourraient prendre davantage de risques en achetant des produits innovants à des start-up locales ». Le public, lui, devrait disposer d’un accès plus facile et surtout meilleur marché à l’Internet. « Toutes les études que nous avons consultées, continue De Meyer, montrent que la Belgique est l’un des pays les plus chers d’Europe en matière de connexion au Réseau. On augmenterait également l’utilisation du commerce électronique en introduisant un label de certification qui garantirait le sérieux d’une entreprise en matière de paiement sécurisé et de respect des règles relatives à la protection de la vie privée. Attention, il ne devra pas s’agir d’un label autoproclamé par les entreprises, mais bien d’un label émanant d’un organisme privé et assorti d’une procédure de contrôles. » Si ces propositions sont de nature à assurer à la Belgique un rôle de premier plan dans la société de demain, il ne faut pas perdre de vue qu’elles ont déjà été formulées dans le passé sans déboucher sur de véritables avancées concrètes.

Il faudra donc, comme le souligne Van Lierde, « s’assurer que le livre ne sera pas un énième rapport… mais bien une source de décisions et de réalisations ». Il faudra également veiller à ce que le débat sur l’e-Belgique déborde le cadre strictement économique. Dualisation de la société, stress engendré par les TIC, risque de manipulation… « Sur tous ces aspects, on a besoin d’un débat beaucoup plus large », reconnaît Van Lierde. A l’inverse de ce que pensent les technophiles, « Internet est plus qu’un outil, il transforme la vie sociale. Dans les années à venir, il faudra rester fort attentif à cette transformation. » Sage décision.

Belgique on line. 30 proposition pour la e-Belgique de demain est paru aux éditions Roularta Vif Editions. Prix conseillé: 15 euros.

Informations: www.kbs-frb.be

Vincent Genot

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