Bastion du Chevalier rouge

Au cour des collines du Hageland, le château de Horst respire l’ambiance des XVe et XVIIe siècles. Un clin d’oil particulier aux amateurs de bandes dessinées… qui reconnaîtront la résidence du  » Chevalier rouge « , de Willy Vandersteen.

Peu d’informations concernant les origines exactes du château nous sont parvenues. Seule certitude : au XIIIe siècle se trouvait à cet endroit une ferme dotée d’un moulin qui passa rapidement aux mains d’un riche Louvaniste, Amelryck Pynnock. Nous lui devons la construction du donjon actuel. Dans cette salle qui servait à accueillir les visiteurs, le seigneur cherchait à impressionner. Voilà qui explique la présence résiduelle de motifs réalisés à la feuille d’or, d’une voûte d’arêtes de style gothique, d’une belle clé de voûte et d’autres pièces d’architecture sculptées… Autant de détails qui contribuaient au prestige et à la puissance du propriétaire, lequel faisait étalage de ses richesses. Le donjon était aussi la partie la plus imprenable du château. En cas de conflit, il jouait le rôle de résidence fortifiée.

De cet espace, il est possible d’emprunter un escalier pour atteindre le sommet de la tour. La découverte des autres pièces et du superbe panorama récompense largement l’effort. Vous remarquerez qu’à mesure que vous montez, la hauteur sous plafond se réduit. Vous observerez aussi que les marches de l’escalier ne présentent pas toutes la même hauteur. Une astuce défensive : impossible de gravir un tel escalier en courant !

Soixante ans plus tard, en 1482, le château devient la propriété de son neveu, Louis Pynnock. Ce dernier est l’une des figures marquantes de l’histoire de l’édifice. Bailli de Louvain, il se voit victime directe d’une insurrection des Louvanistes. Sa demeure en ville tombe en proie aux flammes. Son château connaît rapidement le même sort. Par chance, il reçoit du souverain – dont il est ici le représentant – les fonds nécessaires à la reconstruction. Il fait bâtir, vers 1490, l’aile située à gauche de la tour en gothique tardif. Les autres parties, en grès et brique, sont typiques de l’architecture Renaissance brabançonne.

En 1650, Maria-Anna vanden Tympel hérite du château. Dernière  » vraie  » propriétaire, elle y imprime sa personnalité en y entreprenant de nombreux travaux. L’un des plus exceptionnels ? La pose dans les salles d’apparat de splendides plafonds en stuc. Elle passe commande auprès de Jan-Christian Hansche, un stucateur ultra-renommé. Sa technique à partir d’un savant mélange de crin de cheval, de chaux et d’excréments est tout à fait particulière. D’aucuns la considèrent comme étant à l’origine de leur impeccable état de conservation.

La salle Ovide

Voici la plus grande salle du château. La plus merveilleuse aussi. Elle servait à l’accueil des invités, aux dîners et autres festivités. Elle doit son nom aux scènes en stuc représentées au plafond. En effet, les médaillons sont ornés de scènes tirées des Métamorphoses du poète latin Ovide (43 av. J.-C. – 17 apr. J.-C.). Ce recueil d’histoires raconte la genèse et l’évolution du monde selon les mythologies grecque et romaine. A la Renaissance et à l’époque baroque, ce chef-d’£uvre littéraire était l’une des principales sources d’inspiration des artistes. Les récits ici reproduits n’ont pas été choisis au hasard. Tous transmettent un message, une leçon de morale encourageant un comportement vertueux. La preuve en images avec La Métamorphose de Battus par Mercure. Sur le premier médaillon, Mercure vient de voler les b£ufs d’Apollon. Seul témoin de l’effraction, le vieux berger Battus. Mercure lui propose un marché :  » Si tu ne dis à personne que c’est moi qui les ai volés, je t’offrirai une belle génisse.  » Battus, aux anges, s’exclame :  » Sois tranquille, Mercure. La pierre que tu vois là trahira plus vite ton secret que moi !  » Mercure n’est cependant pas rassuré. Un peu plus tard, il revient, déguisé, vers Battus et lui demande de l’aider à retrouver son troupeau égaré, en lui promettant une récompense. Battus, n’ayant pas reconnu Mercure, avoue où sont les b£ufs dérobés. La rétribution envisagée était plus grande que la vache promise. Mercure se moque aussitôt du berger :  » Alors, vieillard, tu me trahis à moi-même ?  » Et voilà Mercure qui change le vieil homme déloyal en pierre.

Les autres stucs racontent l’épisode où Jason, aidé par Médée, part à la conquête de la Toison d’or, le mythe de Céphale et Procris et enfin celui de Narcisse. Ce jeune à la beauté aussi développée que sa vanité. Un jour, en se penchant pour boire à une source, il aperçoit son propre reflet dans l’eau et en tombe aussitôt amoureux. Il continue de se regarder jusqu’à l’épuisement, bascule dans l’eau et se noie. Au même moment éclôt au bord de l’eau une fleur blanche à c£ur jaune, un narcisse. Outre leur intérêt esthétique évident, ces stucs brossent aussi un portrait intéressant de la châtelaine qui voulait impressionner le monde par son érudition.

Après elle, le château passe entre les mains de différentes familles mais aucune ne s’y installe véritablement. Il n’est alors que le théâtre de réjouissances très temporaires. Ce relatif désintérêt apparaît aujourd’hui comme une vraie aubaine : grâce à lui, l’endroit est resté quasi intact depuis le XVIIe siècle.

Pynnock, un jaloux sanguinaire

Propriétaire du château au début du XVe siècle, le chevalier Pynnock était un homme cruel. A l’inverse, sa jeune épouse avait bon c£ur. Elle aimait prodiguer la charité, en compagnie du curé. Le mari appréciait très relativement leur entente. Rongé par la jalousie, il les surveillait de près. Un jour, on prit sur le fait un braconnier qui venait d’attraper un lièvre sur les terres de Pynnock. L’homme fut condamné à mort. Sa fiancée supplia la châtelaine d’intercéder en sa faveur. Cette dernière demanda à son époux de libérer le braconnier, mais le tyran refusa. Il fallut l’intervention du chapelain pour que le seigneur accepte enfin. L’incident était clos. Jusqu’au jour où le  » trio  » croise en chemin un cortège nuptial. La châtelaine et le chapelain reconnurent le jeune couple épargné. La mariée, reconnaissante, jeta son bouquet à la châtelaine. Le seigneur interpréta mal le geste et demanda des explications au chapelain. Voyant que son épouse faisait signe à ce dernier de se taire (elle craignait que son mari ne prenne plaisir à troubler la noce), de lourds soupçons surgirent : il crut qu’un amour secret liait les deux jeunes gens. Fou de colère, il empoigna le chapelain à la gorge, dégaina son poignard et transperça le prêtre. Voyant le chapelain à l’agonie, la châtelaine s’évanouit. Devenue folle, elle mourut quelques jours plus tard. L’époux sanguinaire comprit sa fatale méprise. Ecrasé de remords, dévoré par le chagrin, le vieux Pynnock se morfondit tout seul dans son château jusqu’à ce qu’il décède à son tour.

A présent, les villageois disent que l’âme du légendaire seigneur erre sans fin dans le domaine, à la recherche du repos éternel. Chaque nuit, quand sonnent les douze coups de minuit, son carrosse noir traverse l’allée à toute vitesse. Dans l’obscurité résonnent alors des voix lugubres qui supplient ou gémissent. Et du donjon s’échappent des lueurs sinistres. Puis l’esprit disparaît, aussi furtivement qu’il est venu, et un silence de mort réapparaît…

Château de Horst

Horststraat 28, 3220 Holsbeek. www.kasteelvanhorst.be

Le château est accessible toute l’année, mais jours d’ouverture variables selon les semaines. Pour toutes informations complémentaires, consultez le site Internet.

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-LA SEMAINE PROCHAINE

Le château de Vêves.

TEXTE : GWENNAËLLE GRIBAUMONT PHOTOS : FRÉDÉRIC PAUWELS/HUMA POUR LE VIF/L’EXPRESS

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