Bart Maddens n’est pas l’idéologue de la N-VA (dit-il)

Ses écrits constituent un manuel pratique à l’usage de ceux qui veulent en découdre avec la vieille Belgique. Bart de Wever s’est inspiré de sa  » doctrine « . Pourtant, le politologue Bart Maddens réfute toute allégeance aux partis nationalistes.

Point de drapeau jaune et noir aux murs de son bureau. Pas d’autocollant  » Splits BHV nu !  » sur sa porte. Et pas non plus de tracts N-VA sur sa table de travail. Rien que des fardes épaisses et d’austères ouvrages théoriques… Pourtant, malgré ses dehors d’intellectuel effacé, cet homme traîne une réputation presque diabolique. Professeur de sciences politiques à la KUL, Bart Maddens a vu sa notoriété enfler en mars 2009 avec la publication d’une tribune dans De Standaard, intitulée  » On n’est demandeur de rien « . Maddens y expose sa stratégie : les francophones abordent les négociations institutionnelles en position de force, car ils ne sont pas la partie demandeuse, ce qui leur permet de monnayer la moindre concession à prix d’or. Maddens conseille donc aux partis flamands d’arrêter de négocier, de laisser tranquillement monter la tension communautaire et d’attendre que les francophones, paniqués, sollicitent à leur tour une réforme de l’Etat. Quelques semaines plus tard, Bart De Wever annonce son ralliement à la  » doctrine Maddens « . Et en 2010, lors de la campagne pour les élections fédérales, le président de la N-VA avance une autre idée empruntée à l’arsenal théorique du professeur : l’objectif n’est plus le séparatisme, mais le confédéralisme. Du coup, voilà cet universitaire de 46 ans considéré comme l’éminence grise du parti nationaliste. Ce qu’il dément.  » Je n’ai presque pas de contacts avec la N-VA, pour ne pas dire aucun. « 

Pour autant, Maddens n’a jamais caché sa sensibilité flamingante. Il a milité aux jeunes Volksunie, a travaillé au cabinet d’André Geens, ministre VU de la Coopération au développement, a été membre du Comité du pèlerinage de l’Yser, ainsi que de Vlaanderen Morgen, un think tank créé dans les années 1990 par Hugo Schiltz, la figure tutélaire du nationalisme flamand. Il fait partie du groupe Gravensteen, qui entend favoriser la rénovation idéologique du mouvement flamand, en le démarquant de l’extrême droite.  » Le monde nationaliste s’est toujours partagé en deux sphères « , rappelle-t-il. D’un côté, le mouvement social, composé d’une myriade d’organisations. De l’autre, les partis politiques : VU et Vlaams Blok, autrefois ; N-VA et Vlaams Belang, aujourd’hui. Si le mouvement social donnait le ton dans les années 1960 et 1970, ce sont à présent les partis qui dominent le débat. Singulièrement depuis que Bart De Wever est devenu une star de la télé et que plusieurs responsables d’associations flamingantes ont rejoint la N-VA.  » Moi, je suis un peu une relique du passé, sourit Maddens. Je revendique mon appartenance à la composante non partisane du mouvement flamand. Je regrette l’évolution actuelle. Cela devient difficile, pour un professeur, de se dire flamingant sans être étiqueté N-VA, voire le Vlaams Belang. « 

Bart Maddens a aussi intégré Vives, un centre de recherches né au sein de la KUL, conçu pour fournir des munitions intellectuelles aux partis flamands. L’avant-poste d’un monde académique flamand noyauté par le nationalisme ?  » Vives s’est créé en réaction contre le fait que les discours probelges dominent le débat universitaire, soutient-il au contraire. Dans les années 1980, les économistes de la KUL argumentaient en faveur de l’autonomie fiscale, ils étudiaient les transferts financiers Nord-Sud… Aujourd’hui, le monde académique éprouve une grande aversion pour le nationalisme. Il préfère la Belgique multiculturelle.  » Bart Maddens cite le groupe Pavia, qui défend la création d’une circonscription fédérale. Carl Devos, Marc Hooghe, Jean-Benoît Pilet, Dave Sinardet, Pierre Verjans… : quasi tous les politologues renommés du pays en font partie, constate-t-il. S’estimant  » de facto marginalisé « , il conclut :  » Quand vous défendez la Belgique fédérale, personne ne vous reproche votre engagement, car vous soutenez en fait le statu quo. S’assumer comme Vlaamsgezind (pro-flamand), c’est perçu comme plus ouvertement politique, impliquant une rupture avec la situation actuelle. « 

FRANçOIS BRABANT

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