Au secours, la  » Net generation  » arrive !

On les appelle  » Millennials  » ou  » Facebookers « . La Génération Y, celle des jeunes nés dans les années 1980, fait progressivement son entrée dans la vie professionnelle. Portrait d’une génération dont on dit qu’elle bouleverse notre approche du travail et du management.

Qui sont vraiment les représentants de cette  » Génération Y  » avec qui nous allons devoir apprendre à vivre au travail ? Les définitions divergent. Pour certains, ce sont les jeunes nés entre 1978 et 1994. Pour d’autres, ceux nés entre 1980 et 1998. Pour d’autres encore, ce sont plus simplement les enfants des baby-boomers, nés quant à eux entre 1946 et 1964. D’après William Strauss et Neil Howen, des sociologues américains pères des études sur les générations, la Génération Y – qu’ils qualifient de Millennials, les  » Millénaires  » – court jusqu’en 2000.

Ces jeunes personnes, dont certains ne sont pas encore entrées dans l’âge adulte, ont été baptisés de bien d’autres noms. On parle ainsi de la génération  » pourquoi  » – traduisant la remise en cause systématique des contraintes,  » Y  » en anglais se prononçant why, qui signifie pourquoi -,la génération Internet ou e-Generation, les Facebookers – pour leur utilisation intensive des réseaux sociaux – etc. On parle aussi de Génération V, pour virtuelle, qui n’existe que dans les mondes du type Second Life…

La pyramide des âges joue en leur faveur

A en croire les spécialistes, les représentants de la Génération Y – les Gen Y, comme on les qualifie aussi – vont bouleverser nos habitudes, nos valeurs et notre conception du travail. Au point que l’entreprise aurait tout intérêt à s’adapter à ces jeunes parfois un peu agaçants et  » chronophages  » ( lire les encadrés). Elle n’aura guère le choix : avec les départs à la retraite des baby-boomers et la courbe démographique que l’on connaît, le nombre d’employés disponibles va avoir tendance à diminuer, forçant les employeurs à consentir de plus en plus d’efforts pour retenir les bons éléments et en recruter de nouveaux.

L’étude Intelligent Dialogue réalisée par Porter Novelli auprès de plus de 1 000 professionnels de la communication dans le monde donne quelques clés utiles. A l’en croire, les Millennials font une entrée remarquée dans le monde du travail, avec un point de vue complètement différent sur leur carrière.  » Si vous voulez comprendre un Millennial, vous devez laisser libre cours à votre imagination, souligne Luc Missinne, Managing Director de Porter Novelli. Ils n’aspirent pas aux mêmes buts que nous, les baby-boomers et la Génération X. Nous tenons pour acquis que chacun veuille aller de l’avant dans son travail, estimons que travailler est une façon de réussir sa vie, etc. Pour comprendre les Millennials, il faut impérativement s’écarter de ce mode de pensée, et de beaucoup d’autres encore.  »

Mais que veulent-ils, alors, ces jeunes de la génération Y ? Le Québécois Carol Allain les décrit dans son livre Génération Y (Les Editions Logiques, 2005). En bref : l’enfant-roi est devenu adulte. Ce spécialiste des sciences de l’éducation les décrit comme  » indépendants d’esprit, balayant l’ancien et disant « merde » à leurs parents et, par la même occasion, à leurs futurs employeurs.  » Ils sont ouverts d’esprit et bien informés, mais aussi  » bien décidés à huer leur père, leur mère, à défaut de ne jamais avoir voulu les déboulonner.  » Et, face à eux,  » la société des baby-boomers campe sur ses positions et hausse le ton.  »

Sur la base de son observation, Carol Allain est formel : les entreprises devront  » revoir leurs structures décisionnelles  » pour s’adapter à une génération qui  » tient ardemment à une structure horizontale où il y a plus de travail en équipe « . Une condition sine qua non, selon lui, pour parvenir à garder des jeunes qui  » n’aiment pas plus la permanence que les contraintes « . L’étude de Porter Novelli ajoute que les Millennials sont malins et ambitieux. Ils bouillonnent d’idées et veulent participer aux processus de décision. Ils veulent mener une carrière avec succès, et que l’entreprise tienne compte de leurs attentes. Le rapport ajoute qu’ils  » travaillent pour vivre « , pas l’inverse !

Les directions des ressources humaines des entreprises prennent progressivement conscience de la nécessité de s’adapter aux générations bien distinctes qu’elles emploient. Sans bouleverser tout le système. Car les attentes des uns et des autres ne sont finalement pas si éloignées. Une étude récente menée par Deloitte auprès de trois cibles – travailleurs, managers et responsables RH – soit, au total, plus de 3 000 personnes, l’a récemment montré.  » Si l’on distingue les réponses à l’enquête selon qu’elles émanent des baby-boomers, de la Génération X ou de la Génération Y, on constate certes des différences, mais avec des écarts beaucoup moins marqués qu’attendus « , analyse Florence Coppens, Senior Manager chez Deloitte. La génération Y semble avoir des ambitions de carrière plus élevées et vise à réaliser ses objectifs personnels avant ceux de l’entreprise dans laquelle elle évolue.  » Mais, à l’opposé des idées reçues, elle se dit prête à travailler beaucoup, en se préoccupant moins d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée que les deux autres générations, ajoute-t-elle. Autre surprise : lorsqu’on leur demande s’ils préféreraient un job ou de nombreuses expériences variées, les 15-23 ans se rapprochent plus des 41-65 ans (demandeurs de plus de stabilité) que des 24-40 ans. Les « GenY  » sont plutôt moins ambitieux que les 24-40 ans. Et leur intérêt pour une assurance soins de santé se rapproche de celui des 51-65 ans. Les distinctions sont beaucoup plus segmentées que le simple effet de générations. « 

La vraie spécificité des  » Millenials  » est leur absence de  » loyauté  » à moyen terme vis-à-vis de l’entreprise.  » 63 % d’entre eux déclarent qu’ils ne travailleront pas plus de cinq ans pour un même employeur et 22 % veulent changer après un an seulement ! souligne Ivo Wetsels, Partner chez Deloitte. A titre de comparaison, 40 % des représentants de la Génération X et 58 % des baby-boomers se disent potentiellement liés à l’employeur à un horizon de cinq ans ou plus, pour 21 % à peine des Gen Y. Sous-titres à l’attention des employeurs : 45 % de vos collaborateurs issus de la Génération Y estiment qu’ils vous auront quitté dans les trois ans ! « 

On dit aussi cette jeune génération moins engagée. L’étude ne révèle pourtant pas de réelle différence en la matière. En revanche, ils ne  » vibrent  » pas pour les mêmes choses.  » Les trois générations mettent toutes en avant le contenu du job, commente Florence Coppens. Mais la Génération Y cite ensuite la rémunération, les possibilités de carrière et un environnement de travail convivial. La Génération X privilégie l’équilibre de vie, suivi par la rémunération. Et les baby-boomers évoquent quant à eux la sécurité de l’emploi, puis l’équilibre de vie. « 

Conclusion : oui, la jeune génération a ses traits propres. Oui, les employeurs doivent adapter leur stratégie pour attirer et intégrer les jeunes recrues. Oui, les managers doivent remettre en question leur gestion d’équipes. Mais le DRH d’une grande institution de banc-assurance nuance :  » Les baby-boomers, ceux qui vont quitter l’entreprise demain pour prendre leur retraite, savez-vous comment on les appelait à l’époque de leurs 20 ans ? Les hippies ! Ceux-là mêmes qui criaient : « Peace, not war »… Dans quinze à vingt-cinq ans, ceux que l’on appelle aujourd’hui la Génération Y auront également fort changé. Sans doute feront-ils d’autres choix que les nôtres. Ils ne courront pas après la réussite professionnelle aveuglément, mais ils devront tout de même se battre, faire face à la compétition, supporter la pression, car le monde économique ne changera sans doute pas – il devient même de plus en plus dur… « 

Christophe Lo Giudice

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