AU ROYAUME DES SAINTS AUSSI, LE SUD EST EN RETARD

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Le 27 avril, le pape François célèbre les canonisations de Jean XXIII et Jean-Paul II. Vulgairement dit : pour services rendus par le premier et pour l’ensemble et la longévité de la carrière du second. Dans dix jours donc, Rome accueillera une déferlante de fidèles, l’énorme majorité se déplaçant clairement pour assister à l’accession de Jean-Paul II au rang de saint. C’est qu’ils ont attendu bien plus qu’ils espéraient, ces supporters du pape polonais : il y a neuf ans, lors de ses funérailles, ils scandaient déjà, à tue-tête,  » Santo subito !  » ( » Canonisez-le tout de suite ! « ). Ils salueront donc l’événement comme il se doit : dans la ferveur et la joie.

Pour autant, parmi les catholiques, et en dehors, beaucoup restent perplexes. Sur les raisons fondamentales qui ont poussé les autorités de l’Eglise à entamer et accélérer la procédure de canonisation. Et sur le fait que, une fois de plus, c’est l’Occident qui est honoré. Les coûts liés aux démarches menant à béatifier puis canoniser une personnalité sont tels que les pays les plus pauvres, donc ceux d’Afrique et d’Amérique latine, restent ultra minorisés dans le pourtant interminable catalogue des saints. Les choses pourraient changer, François ayant annoncé la mise en place d’une grille tarifaire qui devrait permettre davantage d’équité, entre contrées défavorisées et paroisses riches…

En attendant, la réalité du royaume des saints est pareille à la réalité du nôtre : le nord y mène le danse. C’est de moins en moins vrai à l’échelon mondial mais ça reste une évidence à celui de la Belgique. En termes de prospérité économique, d’ampleur du marché de l’emploi et de mises à l’agenda politique. Quand la Flandre décide que la priorité, c’est l’institutionnel, Bruxelles et Wallonie s’alignent, même tremblants, même répétant qu’ils ne sont demandeurs de rien. Et lorsque les Flamands estiment qu’il vaut mieux se centrer sur le socio-économique, Bruxellois et Wallons suivent, en apparence soulagés mais pas toujours avec mille propositions à avancer.

Cet avantage du nord sur le sud, se retrouve jusqu’à la considération manifestée à l’égard des grandes figures politiques nationales. En Flandre, on a des stars, des hommes providentiels, des machines à voix, des  » papes  » dont une grande partie de la population boit les paroles comme une congrégation l’Evangile ; à Bruxelles et en Wallonie, on a des têtes de liste et des chefs de file, des phénomènes, dont les fans apprécient la proximité, le comportement, le parti qu’ils incarnent. Dès lors, Bart De Wever peut allègrement tester ses idées sur les foules, attaquer tous ses adversaires, s’ériger en primus inter pares, prêcher ce qui devient automatiquement la bonne parole, comme animé par une mission salvatrice de sa communauté. En face, Elio Di Rupo et Didier Reynders, les deux poids lourds francophones, en sont toujours à devoir convaincre leur troupeau qu’ils sont des remparts contre les dangers qui le guettent. Ce qui ne leur permet pas, en campagne, de dicter le tempo. Puisque c’est le chef de la N-VA qui imprime la cadence.

D’une certaine façon, donc, l’un est devenu Santosubito et est honoré comme tel. Et les autres activent sans arrêt leurs réseaux pour pouvoir prétendre au moins au statut de bienheureux. Chacun son rang, décidément.

Thierry Fiorilli

 » De Wever est devenu Santo subito là où Di Rupo et Reynders ne rêvent qu’au rang de bienheureux « 

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