Au chour de Rapsat

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Sept ans après la mort du chanteur de Verviers, la chorale flamande Scala transfigure ses chansons et emporte un formidable succès en Wallonie…

Le mur des voix se dresse, chaud et angélique. Cotonneux. Par sa pureté, la chorale pourrait sortir des limbes du Moyen Age, mais elle ne vient que d’une localité du Brabant flamand actuel, Aarschot. Scala et son ch£ur de jeunes filles revisitent les originaux de Rapsat mais n’en gardent le plus souvent que la quintessence mélodique : les arrangements premiers – parfois datés ou désuets – se trouvent prestement évacués au profit d’une relecture pop imaginative. Avec Scala, le chanteur wallon d’origine mélangée – espagnole et flamande – trouve donc une inattendue seconde jeunesse. Et le public, peut-être par effet de nostalgie, certainement par conviction, embraie sur le phénomène avec gourmandise. L’album, Dans les yeux d’Aurore, sorti à l’automne sur un petit label indépendant, s’est déjà vendu à 9 000 copies. Compte tenu de l’exiguïté du marché belge francophone et de la santé bancale du disque, c’est plutôt remarquable. Scala le mérite parce qu’elle incarne une audace esthétique pas si fréquente dans le domaine de la musique populaire. La chorale la doit en grande partie à ses pilotes et fondateurs, les frères Steven et Stijn Kolacny, se partageant arrangements et direction du ch£ur. Avant une prestation au palais des Beaux-Arts de Charleroi, Stijn raconte sa découverte :  » L’entourage de Rapsat nous avait approchés à plusieurs reprises pour que l’on reprenne l’un ou l’autre titre de ce chanteur que je connaissais absolument pas. A l’automne 2007, mon frère et moi avons fini par écouter ses disques et on a craqué pour la qualité mélodique des morceaux et le caractère poétique des textes.  » Ils testent alors un premier titre avec la chorale, des jeunes filles de 16 à 26 ans, pour la plupart exclusivement néerlandophones.  » On a commencé par Aurore ( NDLR : qui raconte la fuite de l’Espagne franquiste de la grand-mère de Rapsat) et cela a été le coup de foudre. Pendant six mois, tous les week-ends, on a donc travaillé avec un coach sur la langue française mais aussi sur le sens des textes : pour nous, il est essentiel que les filles en comprennent la signification.  » En scène, dans un spectacle qui frôle les deux heures sans entracte ni temps mort, la Wallonie découvre une trentaine de choristes dirigées par Stijn, accompagnées de son frère Steven au piano et de trois autres musiciens. Parmi ceux-ci, le guitariste brugeois Filip Huyghebaert livre une remarquable version intimiste d’ Un dimanche en automne. Scala tourne à l’étranger comme en Flandre avec un autre répertoire, anglophone celui-là. Mais, face aux salles – combles – d’Anvers ou Gand, les Kolacny instillent aussi à chaque show trois ou quatre titres du Verviétois disparu.  » Même si le public flamand ne connaît guère Rapsat, sauf peut-être par son Judy & Cie de l’Eurovision 1976 (à), les réactions sont vraiment positives.  » Lorsqu’on le questionne sur ces temps de susceptibilité linguistique, Stijn se déclare contre la séparation, ajoutant que  » l’idée du projet Rapsat est venue avant les problèmes communautaires « . On évite de lui répondre que ceux-ci ont au moins quarante ans et on se réjouit de cette intéressante histoire belge.

CD chez Viva Disc/Bang ! En concert le 4 mars au Cirque royal, le 6 mars à Tubize (complet),le 31 mars à Verviers, le 24 avrilà Ath (complet) et le 25 à Arlon (complet) ; www.scalachoir.com

Philippe Cornet

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