Attention aux idées reçues

Examens, traitements, alimentation… A l’occasion de la journée mondiale de l’ostéoporose (le 23 octobre), retour sur quelques a priori.

Le lait est-il vraiment un allié ?

La question est controversée. De plus en plus d’allergologues et d’homéopathes déconseillent le lait de vache et ses dérivés, ajoutant que le calcium le plus facilement assimilable se trouve dans les légumes, les fruits et l’eau de boisson. Car, outre l’intolérance au lactose, dont pourrait souffrir un tiers de la population (généralement sans le savoir), de nombreuses études (1) établissent un lien entre la consommation de lait de vache et des maladies comme le diabète, le cancer de la prostateà Et elles relèvent que l’ostéoporose est plus répandue dans les pays où le lait de vache est très consommé, alors qu’elle est pratiquement inconnue en Asie, où l’on n’en utilise quasiment pas. Les recommandations officielles (trois produits laitiers par jour) seraient surtout influencées par le très puissant lobby de l’industrie laitière. Selon que l’on s’adresse à un  » camp  » ou à l’autre, le lait de vache est nuisible ou està une panacée. Pour le Pr Jean-Yves Reginster, président de la Société européenne d’ostéoporose, la thèse de la nocivité du lait de vache est  » délirante « , et les laitages  » fournissent 70 % de nos besoins en calcium « .

A chacun de choisir son campà Sans oublier que l’ostéoporose dépend à 60 %, voire 70 %, de facteurs génétiques, rappelle lePr Jean-Pierre Devogelaer, rhumatologue aux cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles.

Et les biphosphonates ?

 » En cas d’ostéoporose, si vous commencez un traitement aux bisphosphonates, je ne vous soigne plus « , menacent certains dentistes. Ils accusent ces médicaments de provoquer des nécroses de la mâchoire (une ulcération de la gencive met l’os à nu).  » Cet effet secondaire existe si on prescrit ces produits à doses importantes contre des myélomes ou certains cancers. Mais il est excessivement rare dans le traitement contre l’ostéoporose, et sûrement pas de nature à remettre en cause ces traitements, rétorque le Pr Devogelaer. Une très bonne hygiène dentaire de départ évite aussi les complications. « 

Quid de la densitométrie ?

Le Pr Reginster n’en démord pas : l’absence de remboursement de l’examen de densitométrie osseuse, outil de dépistage précoce, est un scandale. La faute, suspecte-t-il, en incombe à certains radiologues qui auraient tout intérêt à faire durer cette situation…

 » La densitométrie donne l’aspect quantitatif de l’os, mais aucune information quant à sa qualité « , remarque cependant le Dr Valérie Albert, gynécologue à l’hôpital Erasme. En recueillant certaines informations pertinentes auprès des patients, plusieurs éléments permettent de calculer les facteurs de risque de chacun. Les indices à considérer ? L’âge, une maigreur anormale, le tabagisme, plus de 2 verres d’alcool par jour, des antécédents de fractures spontanées, des fractures de la hanche chez les parents et la prise de certains médicaments.  » On peut ainsi cibler les personnes chez qui une densitométrie s’impose « , souligne-t-elle.

L’Inami mène une politique de remboursement des médicaments contre l’ostéoporose souvent jugée  » incohérente « . Mais, à terme, lorsqu’on lui demandera aussi de rembourser les (coûteux) marqueurs biologiques de l’ostéoporose ou les très attendues radiologies de mise au point en 3 dimensions, cela va lui coûter encore plus cher !

D’abord l’hygiène de vie

 » La maladie se prépare silencieusement, sans symptômes, rappelle le Pr Devogelaer. Mais on peut influencer ses causes environnementales.  » Au programme : une bonne hygiène de vie, avec des activités physiques, pas de tabac et pas plus de 2 verres de vin par jour.  » Ensuite, en fonction des risques individuels, il faut parfois prescrire des médicaments. Attention, ils ne résolvent pas tout « , prévient-il. Par ailleurs, le Pr Reginster se méfie de certains génériques, dont l’efficacité est mise en cause dans des enquêtes subventionnées par l’industrie commercialisant les originaux.

Overdose d’ostéoporose ?

Parle-t-on trop de cette maladie ?  » Absolument pas, puisque c’est un vrai problème de santé publique. En Europe, une fracture du col du fémur survient toutes les trente secondes « , souligne le Pr Reginster. Autre réponse possible (et complémentaire) : cette affection représente d’énormes enjeux pour l’industrie pharmaceutique. Celle-ci organise et soutient donc des conférences de presse (énormes elles aussi)… où on est loin d’aborder tous les sujets.

(1) Lire à ce sujet le livre de Thierry Souccar Lait, mensonges et propagande, T. Souccar Editions.

L.V.

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