ARCHITECTURE

Enfin, Bruges sort de son image de ville-musée. Trois réalisations architecturales audacieuses, dont deux définitives, impriment désormais, dans la cité, la créativité contemporaine dans ce qu’elle a de plus audacieux

La « Folie » de Toyo Ito

Pas tout à fait bâtiment, pas tout à fait sculpture, mais les deux sans doute, voilà un passage provisoire, un abri posé sur une étendue d’eau dont le tracé reprend la forme du plan de l’ancienne cathédrale Saint-Donatien, qui se trouvait sur la place du Burg il y a deux cents ans. Le sol est un pont de verre alors que les murs en nids-d’abeilles laissent passer la lumière et la mémoire des dentellières. Magique, fascinant, « fluide », comme dirait son auteur, l’architecte japonais Toyo Ito. Au coeur du dispositif, sur des sièges aux allures tout ausi contemporaines, le passager du lieu peut faire halte et regarder, face à lui, les murs usés du palais des ducs de Bourgogne. Du coup, le passé prend un coup de jeune. On appelle cela de l’intégration « active ». Depuis le milieu des années 1980, Toyo Ito pense l’architecture comme moyen d’exprimer les liens et les rapports entre le dedans et le dehors, le construit et le naturel, le passé et le présent, l’artisanat, les arts plastiques et les technologies de pointe. En 1986, sa « Tour des vents », par exemple, était animée par un jeu continu et irrégulier de lumières activées par des facteurs aussi divers que les forces du vent et les bruits de la rue.

Le pont de Jürg Conzett

Au milieu du XVIIIe siècle, Bruges creusa « la Coupure », qui devait relier le canal Bruges-Ostende au canal Bruges-Gand. Depuis longtemps inutilisé, le plan d’eau sert d’embarcadère aux bateaux de plaisance. Mais, surtout, il créait une brèche dans le parcours circulaire des anciens remparts de la ville, imposant aux promeneurs et cyclistes un fameux détour. L’architecte-ingénieur suisse Jürg Conzett vient d’y mettre bon ordre en imaginant une passerelle dont l’originalité tient dans son principe, simple, qui associe les deux fonctions essentielles de l’ouvrage: le passage des promeneurs quasi au fil de l’eau et celui des bateaux. Posés sur des murs de pierre, deux beaux cylindres métalliques, rythmés par une série de câbles verticaux qui suspendent la passerelle, peuvent, en s’enroulant sur eux-mêmes, relever majestueusement la quarantaine de mètres du passage. C’est léger, magique et, la nuit, subtilement éclairé.

Le Concertgebouw

Quatrième clocher de la ville, le Concertgebouw, dont la forme extérieure rappelle celle de deux mains unies en porte-voix, est sans nul doute la révélation du festival. Signé Paul Robbrecht et Hilde Daem, le nouvel espace polyvalent de Bruges contient plusieurs salles, dont une de 1 200 places. On y découvre le plus grand plateau du pays, mais aussi une salle de musique de chambre de 300 places, un studio de radio et une très efficace salle de répétition. En plus d’une acoustique particulièrement soignée, l’espace séduit. D’abord, par la qualité de ses lumières, dont certaines, contre toute attente en ce genre de lieu, viennent directement du ciel. Ensuite, par la beauté de ses murs de plâtre, colorés dans les gris, verts, blanc cassé et citronnés, à leur tour égayés par les balustrades colorées de façon différenciée. La touche finale vient de la discrète intervention du poète Peter Verhelst, dont un millier de petites phrases courent tout le long des dossiers des sièges. A l’extérieur, mis à part sa large fenêtre qui agit comme une bouche ouverte sur la ville, les murs en terracotta dialoguent assez justement avec l’environnement ancien. Là aussi, l’intégration est osée mais réussie.

G.G.

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