Antica Namur : contempler, rêver, acheter

Barbara Witkowska Journaliste

Avec 143 antiquaires et galeries d’art présents, la 34e édition d’Antica Namur, qui ouvre ses portes le 11 novembre, offre un formidable panorama des antiquités traditionnelles et des merveilles de l’art du xx e siècle.

Ce n’est plus un Salon, c’est une institution. Depuis trente-trois ans, pendant une dizaine de jours début novembre, Namur devient aussi la capitale des passionnés d’objets d’art anciens. Alors même que l’on décrit le milieu fragilisé par la crise, Antica Namur continue à drainer, chaque année, 30 000 visiteurs. Le chiffre reste stable malgré l’année 2009 légèrement morose. Pour 2010, les indices sont excellents.  » Si Namur se positionne à la troisième place après Brafa et Eurantica, il est toutefois le n°1 en termes de nombre d’exposants et de superficie « , souligne Luc Darte, exhibition manager d’Antica Namur. En trois décennies, Namur a capitalisé son image, s’est rationalisé pour devenir le rendez-vous préféré des amateurs, des collectionneurs et des professionnels.

A quoi se mesure le succès ? Aux organisateurs, tout d’abord, qui placent la barre haut et veillent à une sélection de grande qualité susceptible de toucher tous les publics, qu’on soit millionnaire ou étudiant, amateur de mobilier prestigieux d’époque ou de carafes du début du xxe siècle. Le pari est osé mais il est toujours bien relevé. Aux exposants, ensuite, qui veulent séduire à coups de mises en scène spectaculaires, cohérentes et convaincantes visuellement. Au public, enfin. Il est exigeant, enthousiaste et fidèle.  » Il y a quatre ans, le salon a subi un petit relooking, poursuit Luc Darte. Nous avons agrandi les stands et élargi les allées. Les circulations sont plus fluides, les visiteurs se sentent à l’aise. Parallèlement, nous avons insisté sur davantage d’éclectisme et sur l’art de mélanger les styles et les époques. Les £uvres de Jules Wabbes voisinent ainsi avec des sculptures anciennes ou avec du mobilier anglais. Cette variété rend le salon plus attractif. Bien entendu, les marchands traditionnels de mobilier Régence ou Louisxv, d’argenterie ou de tableaux classiques, sont toujours là, mais il n’y a plus d’enchaînement. Le visiteur va de surprise en surprise. « 

Un éclectisme qui va à l’encontre de l’évolution des goûts du public, de moins en moins porté vers un courant ou un style précis. Pour personnaliser au mieux leurs intérieurs, les acheteurs sont en quête d’objets rares ou d’objets de curiosité comme des cabinets d’amateur, des maquettes anciennes ou des objets de maîtrise. On cherche la surprise, l’éclectisme et la découverte. Dernière nouveauté ? La présence de plus en plus importante de galeries marchandes de tableaux de toutes les périodes, avec une incursion de plus en plus prononcée dans le xxe siècle. Histoire de dépoussiérer légèrement le concept  » antiquités  » et d’attirer un public jeune et pointu.

Quelques coups de c£ur

Chaque année, le salon est placé sous un thème. En 2010, Antica Namur se tourne vers les  » ateliers d’artistes « , lieux de création, d’intimité ou encore des  » salons  » de rendez-vous mondains. Antiquaire bruxellois, Jean Nélis se passionne pour la peinture belge, à cheval entre le xixe et le xxe siècles.  » A l’époque, la Belgique était une grande puissance économique, rappelle-t-il. Sa production artistique était d’une richesse et d’une qualité incroyable et tous les mouvements en vogue étaient explorés par d’excellents peintres, malheureusement tombés dans l’oubli.  » Jean Nélis a eu l’occasion de nouer des contacts avec des habitants des anciens ateliers d’artistes situés dans l’ancien quartier Léopold (aujourd’hui disparu) et, depuis lors, poursuit inlassablement la promotion des maîtres belges oubliés. Avec son complice Raf Van Severen, antiquaire anversois, il proposera, notamment, Coin de plage, de Franz Gailliard (1861-1932), et L’Etang aux oies, de Louis Clesse (1889-1961).

Les Français Didier Luttenbacher et Eric Gasquet, réunis sous le label l’Atelier DL-Antiquités, se focalisent sur  » la beauté, la qualité et la modernité du style éclectique des arts décoratifs de la période 1840-1900  » et s’attachent à nous faire découvrir le savoir-faire incomparable des bronziers, ébénistes, orfèvres et fabricants de cette époque. Leur sélection pour Namur porte sur une exceptionnelle paire de chandeliers à décor floral dans un vase à l’antique en pierre Blue John, monté sur bronze doré (par Henry Dasson, Paris, vers 1870) et un ensemble de bureau (six pièces) en bronze doré et pierre dure (£il de tigre, agate, cornaline, améthyste…), signé par le bronzier et créateur Otto Rohloff à Berlin, à la fin du xixe du xixe siècle.

Tout se mélange

Amateurs d’art passionnés, les Liégeois Vincent de Lange et Jean-François Taziaux ( Le Couvent des Ursulines) se sont épris du mobilier parisien de l’époque Charles x (1820-1830).  » Suite au blocus imposé par Napoléon, les bateaux anglais important du bois exotique des colonies étaient interdits dans les ports français, explique Vincent de Lange. Cette loi avait pour but de promouvoir des bois indigènes et clairs, tels le frêne, l’érable, l’orme, l’if ou le buis et de booster ainsi l’économie française.  » Le mobilier aux lignes très pures est souvent rehaussé d’incrustations en arabesques raffinées. Ces bureaux, guéridons, fauteuils, chaises et écritoires (dont une belle sélection sera présentée à Namur) se marient très bien avec un intérieur contemporain.

Installé au Sablon, Jean-François Régis est, quant à lui, amoureux de la Haute Epoque (période allant du Moyen Age au xviie siècle) et de marbres décoratifs. Pour faire chanter et vibrer ses meubles, sculptures et objets d’art, il leur offre toujours une décoration somptueuse, très appréciée des visiteurs d’Antica Namur.  » C’est important de montrer au public une belle mise en scène, note-t-il. Aujourd’hui, tout style de marchandise peut se mélanger, même dans un loft ou une maison rustique, à condition que tout soit bien agencé et présenté.  » A Namur, on verra une rare série de huit gravures de Giovanni Volpato d’après les fresques de Raphaël et un rarissime buste de Louis xviii (quatre exemplaires connus dans le monde entier) attribué au sculpteur François-Joseph Bosio qui devrait séduire de vrais amateurs de sculptures.

Egalement très apprécié pour ses scénographies raffinées, Yves Mattart mettra en exergue le charme de la campagne avec un décor construit autour d’une paire d’encoignures suédoises du xviii e siècle de style gustavien. Terminons ce tour d’horizon par le benjamin. Agé de 31 ans, Jan Muller est l’un des plus jeunes antiquaires de Belgique. Ses grandes spécialités sont la peinture romantique belge et hollandaise, les maîtres anciens du xve au xviie siècle et les cabinets d’art. Et c’est justement un superbe cabinet anversois du xviie siècle, attribué à Frans Francken iii, qui sera la vedette de son stand à Namur.

Antica Namur, du 11 au 21 novembre, du lundi au vendredi, de 14 à 19 heures, les week-ends et le 11 novembre : de 11 à 19 heures.  » Journée Découverte « , visite gratuite : le mardi 16 novembre de 14 à 19 heures.

Namur Expo, 2, avenue Sergent Vrithoff, 5000 Namur.www.antica.be

BARBARA WITKOWSKA

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