A vot’ bon cour… !

Crise oblige, la Monnaie cherche aussi du soutien financier auprès de généreux donateurs… qu’elle soigne aux petits oignons, comme lors de son récent Maecenas Dinner.

Les robes en papier de l’artiste Isabelle de Borchgrave, pendues aux cintres, dansaient gentiment au-dessus des trente-sept tables dressées à même la scène. En prélude au festin musical (traiteur Pandin), des solistes ont entonné du Tchaïkovski. Il y eut ensuite une fameuse tombola, en plus d’une vente aux enchères conduite par Sotheby’s (Qui veut huit lithos de Magritte ? Un kilo d’osciètre ambre doré ? Un minitrip à La Scala ?). Il y eut bien sûr des convives dans leurs plus beaux atours, qui n’hésitèrent pas à mettre la main au portefeuille. Et, surtout, un discours de Peter de Caluwe, en maître de cérémonie un peu madré – mais c’est pour la bonne cause :  » Couper dans la chair est une chose. Amputer les os en est une autre… Pour rester en Champion’s league de l’opéra européen, nous devons continuer à défendre notre position de plus importante institution fédérale culturelle du pays…  »

Voguant de métaphore chirurgicale en rhétorique footballistique, le directeur de la Monnaie a clairement démontré, au terme d’un plaidoyer sur la nécessité absolue de soutenir la première scène lyrique belge, qu’il avait le don de galvaniser ses troupes. Ce soir-là, elles s’appelaient  » bataillon de mécènes « . C’était un dîner de fête, où les petits plats ont été mis dans les grands, pour offrir à 370 riches donateurs l’envie de donner (encore) plus… On imagine ce boulot-là (convaincre, divertir, flatter) particulièrement ingrat, pour un directeur d’Opéra. Le résultat engrangé était donc mérité : la soirée du 1er octobre a rapporté à la Monnaie 227 000 euros, et drainera sans doute aussi, dans les semaines à venir, quelques petits compléments bienvenus.

Deuxième événement  » mécènes only  » organisé depuis l’accession de De Caluwe à la tête de la maison, il vise à fidéliser un groupe d’amateurs d’art fortunés, dont les libéralités servent à garantir, aujourd’hui comme demain, la qualité des productions artistiques de la Monnaie.  » La situation politique instable de notre pays est une menace réelle pour notre réputation et notre futur, s’inquiétait de Caluwe, face à son précieux pool de financiers. Surtout, se maintenir au sommet de l’échelle exige de pouvoir planifier nos budgets à long terme. Nous avons commencé à travailler sur les saisons 2013 et 2014 et, à ce stade, nous n’avons pas de certitude quant à notre sort, une fois que notre protocole [de subsides avec l’Etat fédéral] aura expiré, en 2013… « 

Nouveaux protecteurs

Message entendu. Dans la salle, les hôtes prestigieux (hommes d’affaires, patrons d’industrie, diplomates, grands commerçants…) sont déjà acquis. Certains ont emmené des amis, qui deviendront peut-être (c’est l’objectif) de nouveaux protecteurs. C’est le cas de Gisèle Croës, antiquaire bruxelloise spécialisée en art d’Extrême-Orient, qui, en plus d’une enveloppe de 20 000 euros, régale, d’un seul coup, dix donateurs potentiels.  » C’est bien de les impliquer, ça fera boule de neige… « , espère-t-elle.

A ses côtés, Bernard Vergnes, ancien PDG de Microsoft Europe, préfère taire le montant de sa générosité.  » Mon épouse et moi comptions déjà parmi les Amis de la Monnaie. On donnait un petit peu… Maintenant, un peu plus.  » Son voisin Roberto Polo, collectionneur et marchand d’art américain d’origine cubaine, n’en fait pas mystère. L’an dernier, il avait offert une paire de candélabres qui furent mis à l’encan (15 000 euros). Cette année, il a tenu à rémunérer lui-même le ténor Jeremy Ovenden, qui chantera ici, en novembre, le Requiem de Cherubini (valeur : plus de 30 000 euros). Un don en nature, en quelque sorte… qui lui paraît  » juste normal « .  » Chez nous, aux Etats-Unis, on apprend à rendre à la société ce que la société nous a permis de gagner…  »

V.C.

 » La situation politique est une menace réelle pour notre futur « 

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