Communauté ou Région ? Identité bruxelloise ou identité francophone ? Jusqu’à présent, on a choisi de ne pas choisir. Mais le moment est venu de trancher enfin, estime Caroline Van Wynsberghe, politologue à l’UCL.
Elle habite Anderlecht, supporte les Mauves et Blancs, mais travaille à Louvain-la-Neuve. Chez Caroline Van Wynsberghe, la recherche universitaire est indissociable d’une préoccupation citoyenne : analyser les failles (et les réussites) dans la gestion de Bruxelles, scruter le fonctionnement des institutions régionales, ausculter les moyens qui permettraient de redonner du souffle à sa ville.
Le Vif/L’Express : Quel diagnostic posez-vous sur l’état global de la Région bruxelloise ?
> Caroline Van Wynsberghe : D’abord, la ville fonctionne mieux maintenant qu’avant 1989, quand Bruxelles n’était pas reconnue en tant que Région et que sa gestion dépendait du gouvernement central. Au niveau architectural, les erreurs commises avant 1989 continuent d’ailleurs de meurtrir le paysage bruxellois… Reconnaissons aussi que les institutions bruxelloises fonctionnent plutôt bien. La législature 2004-2009 a été relativement stable. Durant cette période, il n’y a par exemple eu aucun changement dans les postes ministériels au sein du gouvernement bruxellois. On ne peut pas en dire autant des gouvernements flamand et wallon. Le gouvernement bruxellois, composé à égalité de ministres francophones et néerlandophones, est traversé par quelques tensions, mais rien de comparable avec celles qui agitent le gouvernement fédéral. L’accord du gouvernement bruxellois, conclu en 2009, plaidait pour la régionalisation du tourisme : cela montre qu’à Bruxelles des responsables politiques francophones et néerlandophones peuvent se mettre d’accord autour d’une demande de régionalisation.
La Région bruxelloise se subdivise en 19 communes. Cela nuit-il à son développement et à sa bonne gestion ?
>On ne peut que constater qu’à Berlin ou à Paris il existe une seule politique urbanistique pour toute la ville, ce qui n’est pas le cas à Bruxelles. Il y a des choses absurdes à Bruxelles… La Région gère par exemple deux parcs à conteneurs, tandis que certaines communes possèdent aussi leur propre parc à conteneurs, accessible seulement aux résidents communaux. Certaines compétences communales seraient organisées plus efficacement au niveau régional : 19 politiques de stationnement, c’est absurde. En fait, on continue de gérer Bruxelles dans une logique d’agglomération. On considère toujours cette ville comme une association de 19 communes, et non comme une véritable Région.
La N-VA et le CD&V ne cachent pas leur préférence pour un modèle où Bruxelles serait cogérée par les deux grandes Communautés du pays. Face à ces demandes flamandes, les francophones semblent faire bloc pour défendre la spécificité de la Région bruxelloise. Cela vous rassure ?
>On ne peut pas être régionaliste à la carte, vouloir régionaliser certaines compétences, mais en laisser d’autres aux Communautés. On présente tout à coup les partis francophones comme de grands régionalistes. J’ai des doutes quant à cette conversion subite… Quand j’entends certains leaders francophones, j’ai l’impression que l’annexion par la Flandre est une grande menace, mais que l’absorption par la Communauté française est acceptable, voire souhaitable. Joëlle Milquet, la présidente du CDH, n’a jamais montré beaucoup d’intérêt pour l’option régionale. On n’entend pas beaucoup le MR ces temps-ci, mais ce n’est pas non plus un parti très régionaliste.
ENTRETIEN : FRANçOIS BRABANT