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35 jours sans

Après cinq ans de consommation régulière, il a décidé d’arrêter le cannabis.  » Je m’étais perdu de vue, dit-il. Je voulais retrouver celui que je suis.  » Récit.

Il sourit, géant glissé sous un bonnet de laine. Ce 7 février, il fête ses 35 jours sans joint. Le déclic lui est presque venu par curiosité : comment serait-il s’il n’était plus sous psychotropes ? Ou, plus justement, qui serait-il ?  » Avec le cannabis, raconte-t-il, tous vos points de vue sont altérés. J’avais envie de récupérer ce que la beuh m’a pris : mon endurance, ma réactivité dans les discussions, ma condition physique. Je ne savais plus monter deux volées d’escalier sans être essoufflé. Mais c’est peut-être à cause du tabac…  »

Peut-être. Il a commencé à 15 ans, quand des copains d’école lui en ont proposé. Depuis, il n’a plus arrêté. Sa consommation variait en fonction de ses revenus, issus de petits boulots ou de baby-sittings. S’il avait de l’argent, il le dépensait aussitôt pour s’approvisionner. Ou pour rembourser ses dettes, liées à sa consommation. A hauteur de 10 grammes par semaine, ça chiffre vite, même si les vendeurs lui faisaient des conditions : 65 euros pour le tout, au lieu de 100. Qu’importe. Il y prend goût.  » L’herbe me permettait à la fois de réfléchir beaucoup et de ne pas penser à ce qui faisait mal, comme lorsque je me prenais un râteau avec une fille.  »

Etre informé des risques n’a rien empêché. Avoir grandi dans une famille aimante non plus.  » Je savais que je ne fumerais pas toute ma vie. Je n’étais pas dans un processus de destruction. Mais il est très difficile de ne pas tomber dans l’excès quand on découvre un bonheur qui s’achète, comme celui-là. Durant toutes ces années, je suis resté clair d’esprit. J’étais conscient que ça pouvait me faire du mal. Pour quelqu’un qui n’a pas des bases solides dans la vie, le cannabis peut être très dangereux « .

Il a pensé demander de l’aide à un médecin. Il ne l’a pas fait. Peu à peu, la quête incessante d’argent, les dettes, l’odeur de l’herbe imprégnée sur lui et le jugement ressenti de ses proches ont commencé à lui peser. Et cette question, lancinante :  » Est-ce que je fume parce que j’aime ça ? Ou parce que je ne peux plus m’en passer ?  »

La veille du 3 janvier, il s’est préparé au grand saut, en sens inverse. Il s’est imposé trois conditions à remplir avant d’envisager, peut-être, de refumer par pur plaisir et sous contrôle, un jour : s’inscrire dans un processus de formation ou décrocher un emploi ; prendre soin de son corps ; acquérir  » davantage de force mentale et de maturité  » pour pouvoir maîtriser une éventuelle consommation ultérieure. Il se contraint à écrire tous les jours une page dans un agenda qui court jusqu’au 29 mai. Si, à cette date, ses trois conditions de base ne sont pas remplies, il lancera un second carnet. Cette contrainte d’écriture, il s’y tient. Même si, alors qu’il pensait au cannabis très régulièrement début janvier, il s’en fiche désormais comme d’une guigne.  » Cet agenda fait partie de mes astuces pour résister à l’envie. C’est comme une croix sur un calendrier. Je n’ai pas envie de briser cette chaîne de mots.  » Il a aussi parlé à tous ses proches de son choix d’arrêter. Pour  » verrouiller le truc « , dit-il.  » Si je recommençais à fumer, je décevrais beaucoup de gens. Je compte sur eux pour me rappeler qui je leur avais dit vouloir devenir « .

J’avais envie de récupérer ce que la beuh m’a pris.

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