14-18, la guerre qui a révolté la Flandre

La volonté flamande de retirer les dividendes d’une guerre si durement ressentie dans le nord du pays sonne comme un juste retour des choses.

C’est de bonne guerre. Loin de l’enfouir dans leur mémoire collective, les Flamands entendent capitaliser sur le souvenir d’un conflit dont ils estiment avoir souffert plus que les autres Belges. Dans leur terre, dans leur chair, mais aussi dans leur identité même. Car la Flandre reste convaincue d’avoir payé le plus lourd tribut à 14-18. Très tôt, elle a fait de cette certitude l’un des principaux moteurs de son combat pour sa reconnaissance au sein de l’Etat belge.  » Sans la Première Guerre mondiale, il n’y aurait pas eu de Vlaamse Beweging « , affirme même l’historien Francis Balace. C’est dans la boue des tranchées de l’Yser, parmi les soldats frontistes rebelles à la domination francophone, que le Mouvement flamand va bâtir et ressasser son discours :  » Les Flamands entretiennent le souvenir des doubles souffrances des soldats flamands, qui durent affronter à la fois la mort et les brimades d’une hiérarchie majoritairement francophone. Et cette injustice est rendue plus criante encore, à leurs yeux, par le fait que les Flamands formaient la majorité des troupes sur le front  » (1). Le décor ainsi planté va nourrir le mythe des troufions flamands envoyés inutilement à la boucherie, sous des ordres en français, incompréhensibles. Une autre liberté, longtemps prise avec la vérité historique, a été démentie : celle qui revenait à peupler les tranchées de l’Yser de 80 à 90 % de soldats flamands. Des études historiques ont ramené ce  » surplus  » flamand à de plus justes proportions, estimant du même coup la présence de soldats wallons au front autour des 33 %.

Les ressentiments, fondés ou non, ont la vie dure. A la tour de l’Yser, haut lieu symbolique du Mouvement flamand érigé à Dixmude, une plaquette rappelle ainsi au visiteur que, jusqu’en 1916,  » tous les soldats belges tombés pendant la guerre, les Flamands aussi, reçurent une pierre tombale avec la mention en français : « Mort pour la patrie » « . La Grande Guerre n’a jamais laissé la Flandre indifférente, et l’envergure qu’elle entend donner à la célébration de son centenaire le prouve. Mais ce qui l’anime est bien éloigné de la vision francophone de cette paged’histoire nationale.

(1) Christine Van Everbroeck, in Les Grands Mythes de l’Histoire de Belgique, éd. EVO.

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