1 411 profs recherchés pour « mission impossible »

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

C’est le décret phare de l’ère Dupont: 40 millions d’euros et plus de 1 000 profs pour mieux encadrer les écoles fragiles. Mais sa mise en ouvre semble mal embarquée.

Finies les  » écoles en D + « , voici les  » écoles à encadrement différencié « . Le ministre Christian Dupont (PS), en charge de l’Enseignement obligatoire, vient en effet de corriger le dispositif de la discrimination positive. Il en avait fait l’une de ses priorités, dans la lignée du Contrat pour l’école, lancé par Marie Arena en 2006.

Jusqu’ici, pour une école qui accueillait un public défavorisé, le classement en discrimination positive lui offrait plus de moyens et plus de profs ou d’éducateurs. Le système pourtant avait montré ses limites : les établissements étaient  » dedans  » ou  » dehors « . Une école qui ne remplissait pas les critères, malgré une population scolaire fragile, ne recevait rien.

Ce ne sera plus le cas désormais. Dès septembre 2009, le  » plan Dupont  » permettra d’engager quelque 1 400 enseignants, et viendra épauler deux fois plus d’établissements maternels, primaires et secondaires. Ce sont, en chiffres, 40 millions d’euros et 240 000 élèves supplémentaires qui viennent s’ajouter aux 22 millions d’euros et aux 120 000 élèves actuels.

Faire de toutes les écoles des lieux d’excellence : l’objectif est sans conteste louable. On ne peut être indifférent à l’idée que des jeunes restent sur le carreau, parce qu’ils ne sont pas nés du  » bon côté « . Sans doute aussi, la réalité dans ces écoles d’en bas est-elle moins abrupte qu’il n’y paraît. Il s’y passe, chaque jour, une multitude de petits miracles éducatifs qui justifient à eux seuls de se retrousser les manches. Et il n’y a pas qu’à Bruxelles ou dans le Hainaut que les profs ont fait le deuil de leur magistère et de l’époque bénie (?) où les gamins ouvraient leurs cahiers sans qu’on le leur demande.  » Mais, seuls, nous n’arriverons à rien « , affirme un directeur d’athénée. Classé en discrimination positive, l’établissement traîne une réputation d’école ghetto pour enfants d’immigrés (85 % de sa population scolaire). Ses quelque 500 élèves habitent des quartiers où les indicateurs sociaux sont tous au rouge, et 92 % viennent d’un milieu défavorisé.  » La justice, la politique de la ville, la police, les associations de quartier : il faut travailler plus ensemble. « 

Il fallait donc un plan d’urgence. Mais celui-ci suffira-t-il ? Pour casser le clivage entre voie royale et impasses, engager quelques enseignants supplémentaires (qu’il faudra trouver !), ce n’est pas assez ! A moins de mieux former les futurs enseignants, de mieux payer les profs. Et de motiver les vieux routards à rester, notamment en réduisant leurs heures de cours et en coachant les jeunes profs. En Communauté française, près de 10 % des enseignants ne sont pas dans leur classe : les trois quarts d’entre eux ont sauté à pieds joints sur la possibilité de partir à 55 ans. La Communauté française vient d’ailleurs d’offrir un incitant financier de 120 euros net par mois aux plus de 57 ansà qui sont toujours là. Pas sûr, en l’occurrence, que l’argent soit un argumentà

Tout cela a un prix. Or l’enseignement, refinancé en 2001, est déjà dans la dèche, disent les économistes de l’éducationà Ce constat laissera-t-il les coudées franches au successeur de Christian Dupont pour mener une politique d’envergure pour l’école ? Maroquin désargenté, rupture de confiance de la part des acteurs de terrain, crise de vocations : lourd héritage.

Soraya Ghali

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