© Philippe Cornet

Youssou N’Dour : Black President ?

Lundi 2 janvier, N’Dour, incarnation d’une Afrique noire à la fois festive et religieuse, annonce qu’il sera candidat à l’élection présidentielle sénégalaise de février. Contre l’octogénaire Abdoulaye Wade, arrimé au pouvoir depuis 2000. Décryptage.

« Non, je ne serai pas candidat aux présidentielles de 2012 » : c’était chez lui à Dakar en février 2011, Youssou N’Dour ne laissait passer aucune ambiguïté sur son futur politique. Il ne viserait pas la fonction suprême sénégalaise. Début de semaine 2012 pourtant, sur ses propres médias radio-TV -RFM et TFM- le chanteur, s’annonce comme « alternative à l’alternance » du régime libéral du président Wade, arrivé au pouvoir en 2000 après quatre décennies de socialisme. Alors, pourquoi le chanteur-star, né en 1959 dans une famille modeste de la Médina dakaroise, homme d’affaires et symbole de la Nouvelle Afrique a t’il changé d’avis ? Officiellement, parce que selon ses dires « de très nombreux sénégalais ont appelé à ma candidature (…) et parce qu’à l’école du monde, j’ai appris, beaucoup appris. Le voyage instruit autant que les livres ». Le parcours personnel de Youssou induit peut-être autre chose : marre d’être dépendant des super-élites africaines, pour lesquelles le 4X4 incarne la parfaite métaphore d’un désir manifeste de briller en puissance. Quel que soit l’état des routes…

Amnesty International

Youssou habite la Villa océane, un joli patronyme pour une résidence sans ostentation dans le quartier des Almadies, traditionnellement réservé aux très riches sénégalais. « Pas mal d’entre eux, qui vivent ici, semblent détachés de la réalité » nous confie t’il en février 2011 « Mais dans les années 80/90, les choses ont bougé, le pouvoir économique est passé aux commerçants, aux Mourides : quand on détient un pouvoir économique au Sénégal, on détient une voix ». De fait, Youssou N’Dour appartient aux Mourides, confrérie musulmane fondée au début du XXe siècle dans la lignée du soufisme, prônant le travail aussi bien que la science. « Je suis croyant parce que j’ai la foi, je comprends parfaitement la personne qui est le vendredi à la mosquée puis le samedi en boîte de nuit. Le Sénégal est un pays laïque où 95% des gens sont musulmans et cela se passe bien (avec la religion-ndlr) ». Pratiquement né vedette au Sénégal, N’Dour conquiert la scène occidentale dans les années 80 : sans jamais lâcher son rythme premier et suintant, le m’balax, il s’engage sur le terrain des Droits de l’homme, valeur peu pratiquée par les pouvoirs tiers-mondistes. Notamment sur la tournée Amnesty International de 1988 où il partage l’affiche avec Bruce Springsteen et son ami Peter Gabriel : « Après huit semaines d’échanges, je me suis senti en position de me proclamer défenseur des jeunes africains pour les Droits de l’homme ».

Ni droite ni gauche

Pas de doute que les difficultés à obtenir les licences pour sa radio-télé -« un combat face au monde politique et celui des affaires »- ont fini par convaincre Youssou de se glisser dans un « engagement citoyen ». Président du mouvement Fekke ma ci bollé (Je suis là donc j’en fais partie en wolof), homme de multiples affaires en-dehors ou non de la musique, il veut dépasser les notions de gauche ou droite mais se place dans la lignée spirituelle de Mandela : « Il est l’ultime référence africaine et me renforce dans mes capacités d’incarner le leadership à partir de chez moi. Je n’ai pas un aussi grand combat à mener que lui mais son exemple m’inspire : respect de la parole, des institutions, de la vérité au sens vrai du mot, de la bonne gouvernance ». Face à Wade, 85 ans, considéré par ses adversaires comme une « pâle copie de Léopold Sédar Senghor », Youssou pourrait bien causer la surprise d’offrir au Sénégal, un jeune président capable de faire swinguer son jeune pays.

Philippe Cornet

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