Le premier ministre serbe Aleksandar Vucic. © BELGAIMAGE

Vucic, le faucon ultranationaliste converti en ami de l’Union européenne

Le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic, qui aspire à asseoir son pouvoir aux législatives dimanche, a été un collaborateur de Slobodan Milosevic et un faucon ultranationaliste, avant de se convertir en pro-européen convaincu.

Interlocuteur apprécié de l’Occident, ce géant de 46 ans au visage adolescent fut au moment des guerres dans les Balkans interdit d’entrée sur le territoire de l’UE, vers laquelle il pousse désormais son pays: « Cette élection sera un référendum pour décider si la Serbie veut être un pays moderne, européen, d’ici à 2020. »

Tout en prenant soin de flatter le partenaire historique russe, cet avocat de formation s’est bâti à l’Ouest une réputation de partenaire fiable.

Une confiance gagnée notamment par un accord de normalisation avec l’ancienne province serbe du Kosovo, ou bien l’accueil empreint d’humanité offert aux centaines de milliers de migrants qui ont traversé la Serbie vers l’Europe de l’ouest.

Derrière cette affabilité, ses détracteurs décèlent des opérations de relations publiques parfaitement ficelées avec la complicité de médias qu’il contrôlerait. Comme en 2014, quand, escorté par les caméras, il évacue un enfant évacué d’un autobus bloqué par la neige ou distribue en personne l’aide aux sinistrés d’inondations catastrophiques.

A l’image du politologue indépendant Djordje Vukadinovic, l’opposition dénonce une tendance à l’autoritarisme: mais selon cet analyste, l’Occident « est prêt à fermer les yeux » pour prix d’une stabilité régionale qu’Aleksandar Vucic semble en mesure d’assurer.

Un impressionnant renversement pour celui qui est entré en politique en 1993 en rejoignant le Parti radical (SRS, extrême droite), dont il devient rapidement l’un des responsables.

Proche du tribun Vojislav Seselj, incarnation de l’ultra-nationalisme serbe, Vucic assied sa réputation de dur en 1998: ministre de l’Information de Milosevic, il impose aux médias des amendes draconiennes dont plusieurs titres ne se remettront pas, et renforce la censure au moment de la guerre au Kosovo et des bombardements de l’OTAN.

Quand en 2000, Milosevic est chassé du pouvoir, M. Vucic perd son ministère. Son retour au Parlement, en 2003, se fera sous les mêmes couleurs du SRS, pour qui il briguera deux fois en vain la mairie de Belgrade.

Des années durant, M. Vucic défend les leaders serbes de Bosnie accusés d’atrocités pendant le conflit de 1992-95. « Si vous tuez un Serbe, nous allons (tuer) cent Musulmans », menace-t-il en juillet 1995, quelques jours après le massacre de Srebrenica où 8.000 musulmans sont tués par les forces serbes bosniennes.

En 2007, il promet que son domicile « sera toujours un asile sûr pour le général Ratko Mladic », leur chef militaire, jugé actuellement pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Un an plus tard, il affiche son soutien à Radovan Karadzic.

Srebrenica ne l’a pas oublié: c’est par les huées et les projectiles que M. Vucic a été accueilli l’été dernier à une cérémonie pour les 20 ans du pire massacre perpétré en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale.

Mais en 2008, c’est la mue. A la surprise générale, avec Tomislav Nikolic, aujourd’hui président, il quitte les Radicaux et fonde le Parti serbe du progrès (SNS), conservateur et pro-européen. « Je ne cache pas que j’ai changé… J’en suis fier », explique-t-il.

En 2010, il concède « qu’un crime horrible a été commis à Srebrenica », dit « avoir honte » des Serbes qui en sont responsables.

Sa popularité va croissant et le SNS remporte les législatives de 2012. Vice-Premier ministre du gouvernement d’Ivica Dacic, désigné président de son parti, Aleksandar Vucic devient chef du gouvernement en 2014.

Rapprochement avec l’UE, Kosovo, lutte contre la corruption, il décide de tout, se bâtit l’image d’un travailleur infatigable, seul capable d’attirer des investissements étrangers ou de mettre en oeuvre des « réformes douloureuses » pour redresser l’économie, même si les privatisations promises à l’étranger peinent à venir.

Des réformes qui conduisent à une diminution des retraites et des salaires dans le secteur public, sans que sa popularité n’en pâtisse pour l’heure.

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