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Violence contre les Rohingyas: la Birmanie sous pression

Le Vif

La Malaisie a accentué lundi sa pression sur la Birmanie concernant le sort des Rohingyas, lors d’une rencontre en urgence des pays d’Asie du Sud-Est qui craignent un nouvel exode massif de la minorité musulmane persécutée.

Ces dernières semaines, plus de 27.000 personnes ont fui une opération de l’armée birmane dans le nord-ouest du pays, lancée en réponse à l’attaque de postes frontières par des groupes d’hommes armés. Arrivés au Bangladesh, ces réfugiés ont décrit les exactions de l’armée birmane: viols collectifs, meurtres, tortures…

Cette nouvelle crise a créé une rupture inhabituelle dans le bloc formé par les 10 pays membres de l’Association des pays d’Asie du Sud-Est (Asean). La Malaisie, pays majoritairement musulman qui accueille déjà de nombreux réfugiés rohingyas, a notamment décidé d’attaquer de front le gouvernement birman emmené par Aung San Suu Kyi.

Lors de la réunion lundi à Rangoun, les ministres des Affaires étrangères d’Asie du Sud-Est, ont mis en garde contre les « retombées négatives sur les voisins de la Birmanie en matière de sécurité et de stabilité », a indiqué un diplomate à l’AFP.

« Nous pensons que la situation est maintenant un problème régional, que nous devons résoudre tous ensemble », a estimé Anifah Aman, le ministre malaisien des Affaires étrangères d’après la copie de son discours publié par Kuala Lumpur.

Le mois dernier, le Premier ministre malaisien avait parlé de « génocide » de la population musulmane rohingya et expressément demandé à la lauréate du prix Nobel de la paix d’agir.

Cette dernière est aussi sous le feu des critiques des Nations Unies: son commissaire aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a qualifié vendredi la réaction du gouvernement birman « d’irréfléchie, contre-productive et insensible ». Selon lui, l’approche serait même une « leçon sur la façon d’aggraver la situation ».

Possible radicalisation

« La Birmanie doit chercher à s’attaquer aux causes du problème », a ajouté dans son discours le ministre malaisien.

Dans un communiqué publié à la fin de la rencontre, Aung San Suu Kyi a demandé « du temps pour que les efforts du gouvernement puissent porter leurs fruits » et redit qu’il s’agissait d’un « problème complexe ».

Cependant aucune décision concrète n’a été prise lors de la rencontre.

« Elle a les mains liées à cause des militaires mais elle doit assumer ses responsabilités en tant que chef », estime un diplomate, qui a demandé à rester anonyme.

L’armée qui est à la manoeuvre dans le nord-ouest du pays, reste très puissante politiquement, malgré l’arrivée d’un gouvernement civil en mars dernier. L’armée a conservé un quart des sièges du Parlement via des députés non élus, et contrôle trois ministères – Intérieur, Défense et Frontières.

Tous les pays de la région craignent que cette flambée de violences ne provoquent de nouveau un exode massif des Rohingyas qui fuient déjà en masse depuis plusieurs années la Birmanie.

Il y a un an et demi, en mai 2015, une grave crise humanitaire avait secoué la région quand des milliers d’entre eux s’étaient retrouvés piégés dans le golfe du Bengale après avoir été abandonnés par leurs passeurs en pleine mer.

Considérés comme des étrangers en Birmanie, pays à plus de 90% bouddhiste, les Rohingyas sont apatrides même si certains vivent dans le pays depuis des générations. Ils n’ont pas accès au marché du travail, aux écoles, aux hôpitaux et la montée du nationalisme bouddhiste ces dernières années a attisé l’hostilité à leur encontre.

Dans un rapport publié lundi, Amnesty International décrit la « punition collective » – viols, meurtres, incendie de villages – infligée aux Rohingyas et estime que cela pourrait « être assimilée à des crimes contre l’humanité ».

Des experts mettent aujourd’hui en garde aussi contre une possible radicalisation de cette population persécutée. Fin novembre, la police indonésienne a arrêté trois suspects liés au groupe Etat islamique qui planifiaient un attentat contre l’ambassade birmane à Jakarta.

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