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USA : où en est le procès en destitution de Donald Trump ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La procédure de destitution contre Trump est dans sa phase de « questions/réponses ». Après six jours de débats entre les initiateurs de la procédure et l’équipe de défense du président, on fait le point.

Les sénateurs continuent jeudi à poser leurs questions par écrit et lues à haute voix par le chef de la Cour suprême John Roberts, qui préside le procès. Cet exercice, très codifié, a déjà donné lieu mercredi quelques passes d’armes entre l’accusation et la défense.

Les avocats de Donald Trump ont ainsi plusieurs fois refusé de dire si le président avait évoqué Joe Biden et la corruption en Ukraine avant l’entrée en campagne de l’ancien vice-président démocrate en avril 2019. Alan Dershowitz, un des défenseurs du locataire de la Maison Blanche, s’est aussi fait remarquer en estimant que si un président pense être « le meilleur président de tous les temps, si je ne suis pas réélu, l’intérêt général en souffrira » et qu’il agit de manière à s’assurer un nouveau mandat, « cela ne mérite pas une mise en accusation ».

Un procès politique ?

Lors d’un appel téléphonique estival, Donald Trump a demandé à son homologue ukrainien d’enquêter sur Joe Biden, bien placé pour l’affronter lors de la présidentielle du 3 novembre, et sur les affaires de son fils dans ce pays gangrené par la corruption. Les démocrates l’accusent d’avoir tenté de « tricher » pour remporter un second mandat en poussant l’Ukraine à « salir » l’ancien vice-président de Barack Obama. Ils lui reprochent également d’avoir utilisé les moyens de l’Etat pour arriver à ses fins, notamment en gelant une aide militaire cruciale pour ce pays en conflit avec la Russie.

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L’hôte de la Maison Blanche assure n’avoir rien fait de mal. « Vous destituez un président américain pour avoir posé des questions? » Les avocats de Donald Trump se sont également évertués à convaincre les jurés que le procès n’était motivé que par des « désaccords politiques ». Ils ont présenté le milliardaire comme la victime de trois ans d’efforts démocrates pour le discréditer.

Plaidoirie « anti-Biden »

La défense de Donald Trump s’est également attaquée à Joe Biden et à son fils Hunter pour tenter de démontrer que le président américain était dans son bon droit. La défense de Trump a suggéré que l’ancien vice-président américain, qui supervisait alors la politique de Washington à l’égard de Kiev, avait demandé – et obtenu – la tête du procureur général ukrainien pour protéger l’employeur de son fils.

Hunter Biden a été embauché par Burisma alors qu’il n’avait « ni expertise, ni expérience » dans l’industrie du gaz ou la loi ukrainienne, a affirmé Eric Herschmann, l’un des avocats du président. « Pourquoi Burisma voulait-il Hunter Biden à son conseil d’administration? C’était le fils de l’homme chargé de l’Ukraine », a lancé M. Herschmann.

Pam Bondi, autre membre de l’équipe de M. Trump, a aussi souligné que « tous les témoins » entendus lors de l’enquête en destitution « étaient d’accord sur l’apparence possible d’un conflit d’intérêts » concernant la présence d’Hunter Biden au sein de la compagnie quand son père était vice-président. Elle a estimé que le dossier d’accusation « s’effondrait » dès qu’on admettait que les inquiétudes de Donald Trump étaient légitimes.

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Les élus démocrates, qui représentent l’accusation, ont rappelé à plusieurs reprises qu’Hunter Biden n’avait jamais fait l’objet de poursuites et que l’ensemble du monde occidental demandait le limogeage de l’ex-procureur général ukrainien, jugé trop passif face à la corruption. Les avocats de la défense « espèrent arriver avec ce procès là où ils ont échoué à travers leur combine en ne pouvant pas forcer l’Ukraine à salir les Biden », avait lancé vendredi le chef des procureurs démocrates, Adam Schiff. Hunter Biden a récemment reconnu une erreur de jugement lors de la seule interview qu’il a accordée sur cette affaire.

Un potentiel témoignage explosif de Bolton

Le camp Trump a également lancé une grande offensive pour empêcher le témoignage de l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton. Limogé en septembre, le néoconservateur de 71 ans connu pour ses positions belliqueuses, s’apprête à publier un livre-témoignage qui met à mal l’une des principales lignes de défense du 45e président des Etats-Unis. Dans cet ouvrage, il affirme que Donald Trump lui a dit en août ne pas vouloir débloquer une aide destinée à l’Ukraine tant que ce pays n’enquêterait pas sur le démocrate Joe Biden.

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Ces allégations, rendues publiques dimanche soir, sont au coeur du dossier d’accusation. Elles ont renforcé les démocrates, qui réclament depuis des semaines la convocation de plusieurs hauts responsables de la Maison Blanche, dont John Bolton. Donald Trump s’est pour sa part déchaîné sur Twitter contre son ex-conseiller. John Bolton « s’est fait virer parce que franchement, si je l’écoutais, on en serait à la Sixième Guerre mondiale », a-t-il assené, et « immédiatement, il écrit un livre faux et méchant ». L’ouvrage pourrait toutefois ne pas paraître comme prévu, la Maison Blanche s’opposant à sa publication en l’état. Il pourrait « contenir des informations confidentielles ».

Les démocrates réclament depuis des semaines la convocation de plusieurs proches de Trump, dont Bolton, devant les sénateurs. L’ancien faucon de la politique étrangère à la Maison Blanche est « un témoin-clé de la conduite scandaleuse du président », a encore souligné l’élu Adam Schiff, procureur en chef de ce procès au Sénat.

Bataille d’opinion

Le chef de la majorité républicaine Mitch McConnell a réuni ses élus pour en discuter et il a reconnu ne pas avoir à l’heure actuelle les 51 voix nécessaires pour empêcher la convocation de nouveaux témoins. Il lui reste jusqu’à la fin de la semaine pour faire rentrer dans le rang les quelques sénateurs républicains modérés susceptibles d’apporter leur soutien aux 47 démocrates. Ce n’est que vendredi en fin de journée que la question des témoins sera soumise au vote.

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Les démocrates savent que le président a toutes les chances d’être acquitté, la Constitution imposant une majorité des deux tiers (67 voix) pour le destituer. A moins de 300 jours du scrutin présidentiel, ils espèrent également gagner la bataille de l’opinion.(avec AFP)

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