Aung San Suu Kyi © REUTERS/Jorge Silva

Une victoire écrasante d’Aung San Suu Kyi aux législatives en Birmanie?

Le Vif

Le parti de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi s’attend à remporter une victoire écrasante aux législatives qui se sont tenues dimanche, en mesure de la propulser au pouvoir pour la première fois, après des décennies de lutte contre la junte militaire.

L’opposante birmane Aung San Suu Kyi a prédit lundi la victoire écrasante de son parti aux élections historiques de dimanche, jouant la montre avec la commission électorale qui a repoussé l’annonce des résultats officiels.

« Je pense que le peuple a déjà une idée des résultats même si je ne dis rien », a déclaré Aung San Suu Kyi, s’adressant à la foule réunie devant le siège de son parti, en plein coeur de Rangoun.

Elle joue la prudence jusqu’ici, laissant à ses adjoints le soin de distiller les premières estimations. « Nous gagnons avec plus de 70% des sièges à travers le pays », a déclaré peu après Win Htein, porte-parole de son parti, la Ligne nationale pour la démocratie (LND).

Un pourcentage qui leur permettrait d’avoir la majorité absolue au parlement malgré la présence d’un quart de députés militaires, non favorables à la LND.

Il semble que le report par la Commission électorale, située à Naypyidaw, la capitale administrative située à cinq heures de Rangoun, de l’annonce de premiers résultats officiels, a poussé la LND à sortir de sa réserve.

Car l’enjeu de ces élections est historique et l’arrivée d’Aung San Suu Kyi ouvrirait une nouvelle ère pour le pays après des décennies de junte militaire. Malgré l’autodissolution formelle de celle-ci en 2011, d’anciens généraux sont toujours au pouvoir.

Agée de 70 ans, Aung San Suu Kyi, fille du général Aung San, héros de l’indépendance birmane, a sacrifié sa vie personnelle, passé 15 ans en résidence surveillée et incarne les espoirs démocratiques de son pays depuis près de 30 ans.

Si les ex-généraux s’affichent comme des réformateurs et promettent de respecter le résultat des urnes, les signes de crispations se sont multipliés, avec en amont du vote des arrestations de dirigeants étudiants, des centaines de milliers de musulmans privés de droit de vote, un vote anticipé obscur et le scrutin annulé dans des régions en proie à des conflits armés ethniques.

Le scrutin de dimanche en lui-même s’est globalement bien déroulé, selon les premières évaluations de la mission d’observateurs européens, autorisés pour la première fois à assister à des élections en Birmanie.

Les seuls chiffres officiels disponibles lundi matin étaient ceux de la participation, estimée à quelque 80% des plus de 30 millions d’électeurs.

« Je n’ai aucun doute quant aux résultats. Tout va changer maintenant », a confié à l’AFP Yee Yee, vendeuse d’épices et de soja sur un marché de Rangoun, qui a voté pour la LND d’Aung San Suu Kyi.

« Tout le monde sait déjà qui a gagné. La LND. Maintenant, tout dépend du gouvernement », a ajouté la femme, qui porte comme Aung San Suu Kyi du jasmin dans ses cheveux et un T-shirt rouge.

Les partisans de la prix Nobel de la paix s’étaient rassemblés par milliers dimanche soir devant le siège de son parti à Rangoun.

« Si ces élections sont un important pas en avant, elles sont loin d’être parfaites », a commenté le secrétaire d’Etat américain John Kerry, disant Washington attentif au décompte des voix en cours.

Election du président

La popularité d’Aung San Suu Kyi dans son pays est indéniable, mais aucun sondage ne permet de l’étayer de façon indépendante.

Le principal élément de comparaison reste les législatives de 1990, dernières élections nationales libres, remportées très largement par la LND. La junte n’avait finalement pas reconnu le vote, auquel Suu Kyi n’avait pu prendre part elle-même, étant alors en résidence surveillée.

Mais vingt-cinq ans plus tard, la situation a changé, affirment les héritiers de la junte, promettant de ne pas piper les dés cette fois-ci.

La Ligue Nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi a besoin de remporter quelque 330 sièges dans les deux chambres (soit 67% d’après ses calculs) pour avoir la majorité.

L’enjeu derrière les législatives est l’élection par le Parlement du chef de l’Etat, qui devrait avoir lieu début 2016.

Si la LND obtient la majorité au sein des deux chambres, elle pourra décider qui sera le prochain président. Aung San Suu Kyi sait d’ores et déjà qu’elle ne peut occuper cette fonction, la Constitution birmane interdisant l’accès à la fonction suprême à quiconque a des enfants de nationalité étrangère, ce qui est son cas.

Mais elle a déjà prévenu les tenants du système, encore largement contrôlé par d’anciens militaires malgré les réformes menées depuis quatre ans, qu’elle serait « au-dessus du président ».

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