L'arrangement entre Etats-Unis et les talibans signé en février 2020 ressemble fort à un accord en trompe-l'oeil. © PHOTO NEWS

Une note d’espoir dans une année pourrie: une paix afghane

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Tout a été mis en place pour mettre fin à une guerre de vingt ans. Mais avec le retrait des Américains, une autre, intestine, ne sera-t-elle pas relancée?

Dans un monde rêvé, le dernier soldat américain quitte le sol afghan le 1er mai 2021, quasi vingt ans après les attentats du 11-Septembre qui ont justifié la guerre contre Al-Qaeda et ses protecteurs un mois plus tard. Les autres forces étrangères suivent. Le gouvernement de Kaboul et les Talibans s’accordent sur une répartition du pouvoir. Et l’Afghanistan recouvre un semblant de sérénité dans le cadre d’une cohabitation, pour un temps au moins, fragile.

En théorie, tous les outils, ou presque, ont été mis en place pour atteindre cet objectif. Un accord de paix a été signé le 29 février entre les Etats-Unis et la principale force d’opposition, les talibans. Il prévoit l’arrêt des opérations militaires de ces derniers, la rupture de leurs liens avec Al-Qaeda, le retrait du contingent américain, la libération, entamée depuis lors, des prisonniers des deux camps… Le gouvernement afghan n’étant pas partie à cet arrangement, Washington s’est engagé parallèlement à soutenir les institutions légales. Un processus de réconciliation nationale, deuxième pilier du chantier de la paix, a ainsi été lancé entre le pouvoir et les « étudiants en théologie », depuis le 12 septembre, à Doha au Qatar. La concomitance entre son issue favorable et le désengagement prévu des troupes américaines est souhaitable pour éviter que l’une des parties, et en l’occurrence surtout les talibans, ne profite du vide sécuritaire pour conforter ses positions.

Or, cette aspiration à un monde rêvé est aujourd’hui sensiblement entravée. Les négociations de Doha piétinent. Le gouvernement afghan et les talibans s’opposent sur le calendrier du cessez-le-feu, qui pour Kaboul doit être préalable aux discussions sur la future gouvernance (dans le respect de la Constitution pour le pouvoir, moyennant son adaptation aux préceptes islamiques pour les opposants), et même sur le caractère contraignant de l’accord entre Américains et talibans contesté par le président Ashraf Ghani.

Pour l’administration américaine, encore aux affaires jusqu’au 20 janvier 2021, ces interrogations et les menaces qu’elles font peser sur les Afghans sont accessoires. Donald Trump a fait accélérer le rapatriement des soldats. Et le timing doit être respecté pour mettre fin à une guerre qui a fait de l’ordre de 2 400 tués américains et coûté, selon l’institut Watson de l’université Brown de Rhode Island, 2 000 milliards de dollars. Il sera difficile pour Joe Biden de renoncer aux dividendes de ce retrait, fût-il peu glorieux et préjudiciable à la stabilité de l’Afghanistan.

Le défi: circonscrire le terrorisme

Une autre hypothèque pèse sur le règlement du conflit afghan: le gouvernement de Kaboul et les talibans réussiront-ils à réduire le terrorisme des groupes Al-Qaeda et Etat islamique? Cet automne, la plupart des attentats contre les civils ont été revendiqués par le second. Les talibans, eux, ont concentré leurs dernières attaques sur des représentants de l’Etat. L’accord avec les Etats-Unis leur enjoint de couper les liens qu’ils ont entretenus avec les « islamistes arabes », à leurs dépens au temps de l’alliance entre Oussama Ben Laden et le mollah Omar. Mais si tant est qu’ils décident réellement de les rompre, pourront-ils éviter qu’Al-Qaeda ou l’Etat islamique saborde leur retour au pouvoir? Somme toute, 2021 ne serait alors pas si différent de 2001.

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