L'opposant Alexeï Navalny a appelé les électeurs à "voter intelligemment" en soutenant ceux qui sont les mieux placés pour battre les candidats du Kremlin. © BELGAIMAGE

Un dimanche d’élections en forme de test pour les autorités russes

Le Vif

Les Russes votaient dimanche pour élire leurs représentants locaux, des scrutins qui serviront à mesurer la popularité de Vladimir Poutine et de ses alliés après un été de manifestations durement réprimées.

Tous les yeux sont rivés sur Moscou, où plusieurs dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue tout l’été à l’appel de l’opposition, furieuse de voir ses candidats écartés du scrutin.

Plusieurs milliers de manifestants ont été arrêtés au cours de ces manifestations quasi hebdomadaires et si la plupart ont été rapidement libérés, cinq ont été condamnés à de lourdes peines de prison cette semaine.

L’opposant Alexeï Navalny, dont tous les alliés ont été exclus des élections, a appelé dimanche les électeurs à « voter intelligemment » en soutenant ceux qui sont les mieux placés pour battre les candidats du Kremlin.

« Aujourd’hui, nous nous battons pour détruire le monopole de Russie Unie », le parti du pouvoir, a-t-il déclaré en votant avec sa fille.

Russie Unie, créé en 2001 pour soutenir Poutine, a vu sa popularité s’effondrer ces dernières années. A Moscou, aucun des candidats favorables au Kremlin ne s’est présenté sous les couleurs du parti.

Les résultats seront suivis de près avant les législatives de 2021 et contribueront à façonner l’avenir politique de la Russie, an moment où Poutine entame sa troisième décennie au pouvoir et quittera en théorie son poste en 2024.

A Moscou, près de 7,2 millions d’électeurs sont inscrits pour élire 45 députés au Parlement de la ville, fidèle au maire favorable au Kremlin, Sergueï Sobianine.

L’élection coïncide avec le 872e anniversaire de la capitale. Les électeurs étaient accueillis avec des ballons gonflables, des animations et des stands de nourriture.

A 15H00 (12H00 GMT), le taux de participation n’était que de 12,31%, selon les chiffres officiels.

– « Détruire le monopole » –

« Le sens de ces élections – transformées en cirque avec l’interdiction de candidats – est de vaincre ceux que les autorités veulent faire élire », a déclaré Andreï Iliadi, un spécialiste en informatique.

« Je n’étais pas contente quand un membre du Parti communiste a retiré sa candidature (dans mon district) – j’aurais voté pour lui », regrette Raïssa Moltchanova, une retraitée.

L’avocate Lioubov Sobol, une des meneuses du mouvement de contestation de l’été, a voté près de son domicile du sud de Moscou.

« Bien sûr, personne ne veut aller voter car leurs candidats n’ont pas été autorisés à se présenter », a-t-elle assuré. « Ce sont les funérailles de ne serait-ce qu’un semblant d’élections démocratiques ».

Vladimir Poutine a, lui, voté à l’Académie des Sciences. « Ce qui est important, ce n’est pas la quantité, c’est la qualité » des candidats, a-t-il dit.

Pour la plupart non autorisées, les manifestations de l’été ont donné lieu à près de 2.700 interpellations à Moscou, du jamais vu depuis la vague de protestations de 2011-2012 qui avait précédé le retour de Poutine à la présidence après un mandat de Premier ministre.

Pratiquement toutes les figures de l’opposition ont reçu de courtes peines de prison et cinq manifestants ont écopé de lourdes peines pour « violences » envers les forces de l’ordre, allant jusqu’à quatre ans de prison.

– « Voter par inertie » –

En tout, plus de 5.000 élections ont lieu dans le pays dimanche. Les Russes vont élire 16 gouverneurs régionaux et les parlementaires locaux de 13 régions, dont la Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014.

L’analyste politique Kirill Rogov appelle à regarder au-delà de la capitale en s’intéressant particulièrement aux régions comprenant de grandes villes. « Va-t-il y avoir un vote de protestation ou pas? De quelle ampleur? ».

A Saint-Pétersbourg notamment, la campagne a été très vive, le Kremlin soutenant l’impopulaire gouverneur par intérim, Alexandre Beglov.

Dans la cité impériale de cinq millions d’habitants, Sergeï Antonov, 45 ans, affirme que « tout ceci est une formalité, je suis venu par inertie, j’ai voté, mais je ne crois pas que quelque chose va changer ».

Tatiana Khimenok, 70 ans dit qu’elle « voulait voter pour le communiste » Vladimir Bortko, qui s’est subitement retiré la semaine dernière. « Mais il n’est plus là. J’ai voté pour Beglov. Il a baissé les taxes sur l’eau et les appartements ».

Comme à Moscou, les bureaux de vote y seront ouverts jusqu’à 20H00 (17H00 GMT).

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