Un concours Chopin sur des pianos d’époque pour explorer une sonorité d’exception (en images)
Ces pianos « datent tous du 19e siècle et Chopin a joué sur chacun de ces modèles. Son préféré était le Pleyel mais nous avons également des Erard, des Buchholtz… », déclare à l’AFP Artur Szklener, directeur de l’Institut National Frédéric Chopin (Nifc), basé à Varsovie, l’organisateur de la compétition.
Chaque instrument de cette période, marquée par des innovations techniques et technologiques multiples subies par le piano alors en pleine évolution, garde son caractère unique. Suivant le modèle, la marque et l’année de fabrication, « on a l’impression d’entendre plein de sons différents, plein de pianos différents », souligne Claire Chevallier, grande spécialiste du piano ancien, membre du jury à Varsovie.
« J’ai envie d’entendre des choses très personnelles, très adaptées à l’instrument, une qualité de son qui soit aussi à l’osmose avec ce que l’instrument peut proposer, et en même temps un petit peu de nouveauté peut-être dans cette musique de Chopin qu’on entend tellement souvent », déclare-t-elle à l’AFP, alors que les premières auditions ne viennent que de commencer.
Le concours, sans précédent par la nature des instruments utilisés, selon le Nifc, reprend les grandes lignes de la formule du célèbre concours international de piano Frédéric Chopin, créé en Pologne en 1927 et qui, lors de ses dix-sept éditions tous les cinq ans, a souvent ouvert à ses lauréats les portes des grandes salles du monde.
Jouer sur ces pianos empruntés à différentes collections, dont celle du Nifc considérée comme une des plus riches, pose souvent un grand défi pour les artistes habitués aux instruments modernes. « Ce sont des instruments qui sont hyper exigeants au niveau technique, au niveau de l’écoute et quand il s’agit de gérer leur acoustique, sans parler de l’acoustique de la salle. Ils ne pardonnent rien. Par exemple, on est très vite sur une gamme inégale alors que sur un piano moderne ça va passer totalement inaperçu », explique Mme Chevallier, en référence au fait que les passages d’une octave à l’autre sont beaucoup moins fluides sur les pianos anciens.
Le pianiste français Benjamin d’Anfray, 30 ans, en est bien conscient, comme les autres participants. « Chaque époque a son ‘pianisme’, comme on dit, et sa technique. Donc on ne peut pas jouer sur ces instruments comme on joue sur un grand Steinway de concert. On ne peut pas jouer avec le bras, on ne peut pas utiliser la pédale de la même manière… », précise-t-il, interrogé par l’AFP à l’issue de sa première sortie en scène.
Il a joué sur un Buchholtz puis sur un Pleyel, particulièrement affectionné par le grand compositeur romantique. « Les Pleyel ont des qualités de chant exceptionnelles, qu’on a perdues dans nos pianos modernes. Quand on joue sur ces pianos, on peut être aspiré dans un autre monde, on peut avoir des sensations sonores et des mondes sonores qui sont complètement différents », indique M. d’Anfray.
La première difficulté pour tout pianiste intéressé par ces anciennes sonorités et techniques du jeu est d’abord de pouvoir « dénicher » les vieux instruments. « Les très bons pianos anciens sont très rares mais quand on en a un à sa disposition, c’est le paradis », dit-il, ne cachant pas sa satisfaction à Varsovie où une vingtaine d’instruments anciens ont été mis à la disposition des pianistes, sur scène et en salles de répétitions.
Mais outre le côté musical, le Concours dont la finale est programmée pour mercredi et jeudi, joue aussi sur une note écologique et sociale, estime Mme Chevallier. « On recycle des instruments qui existent déjà. On pourrait apporter d’ailleurs un marché extraordinaire et beaucoup de travail à plein de restaurateurs et d’accordeurs… », souligne-t-elle.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici