En dénigrant les institutions, le trumpisme prend le risque de nuire à la démocratie. © J. ROBERTS/REUTERS

Trump : un an de présidence… et pas que du chaos

Le Vif

Un an déjà, et le président américain est toujours là. Et, contrastant avec les frasques du personnage, les résultats économiques sont plutôt bons.

Il faudra guetter le compte Twitter de Donald Trump au matin du 20 janvier, date du premier anniversaire de son installation à la Maison-Blanche. On y lira à coup sûr une de ces fanfaronnades dont le 45e président des Etats-Unis a le secret. Toutefois, il lui sera difficile de surpasser celle du week-end dernier où l’ancien magnat de l’immobilier et animateur de jeu télévisé se qualifie  » non pas de personnalité intelligente mais de genius (génie) « . Avec cette précision :  » Et un genius psychologiquement très équilibré !  »

Parions que son  » tweet d’anniversaire  » ressemblera à ça :  » Congrats ! One year in office and America is winning Big League ! Growth and Wall Street up. Unemployment and tax down. Most successful first year in White House ever ! Crooked Hillary would have been a disaster. «  (Félicitations ! Un an au pouvoir et l’Amérique gagne dans les grandes largeurs ! Croissance et Bourse en hausse. Chômage et impôts en baisse. Meilleure première année d’un président dans toute l’histoire ! L’escroc Hillary aurait été un désastre). Selon le Washington Post, Donald Trump a fait plus de 2 000 déclarations fausses ou trompeuses depuis qu’il est au pouvoir, soit une moyenne de 5,6 mensonges ou approximations par jour.

Il n’empêche… La conjoncture l’invite à fanfaronner. Loin de ralentir, la croissance (3,1 %) accélère. Les entreprises embauchent (250 000 créations d’emplois en décembre). Le chômage est au plus bas depuis dix ans (4,1 %). Et la Bourse, euphorique, a progressé de 35 % en un an ! Cet optimisme résulte en partie de la réduction de l’impôt sur les sociétés, passé de 35 % à 21 %, combinée à la dérégulation massive de l’économie. En douze mois, le nombre de règlements est passé de 95 894 à 61 950. Un exemple : désormais, plus rien ne s’oppose à l’exploration pétrolière en Alaska. Même Ronald Reagan et George W. Bush n’avaient pas osé…

 » Cette politique favorise certes les 1 % les plus riches, mais elle profite aussi aux 100 millions d’Américains de la classe moyenne dont les plans d’épargne retraite sont indexés sur les cours de Wall Street et dont la valeur augmente depuis douze mois, estime Sami Karam, ancien président d’un hedge fund, qui porte un regard critique sur les excès du capitalisme américain. Certes, le président surfe sur la bonne santé économique des années Obama, mais il faut admettre qu’il existe bien un  » facteur Trump « , ajoute ce New-Yorkais qui dirige aujourd’hui le think-tank Populyst.

Une partie du pays reste convaincue par le style transgressif du président.
Une partie du pays reste convaincue par le style transgressif du président.© C. SOMODEVILLA/GETTY IMAGES/AFP

Quoi qu’il en soit, politiquement, le bilan est alarmant. Après des débuts chaotiques ponctués par la contestation de la loi anti-immigration visant certains pays musulmans, l’enquête du FBI sur la collusion de l’équipe Trump avec la Russie ou encore la nomination, puis la disgrâce, de l’ex-conseiller ultraconservateur Steve Bannon, un calme relatif semblait pouvoir s’installer à la Maison-Blanche. Patatras ! En guise de cadeau d’anniversaire, le journaliste Michael Wolff vient de publier Fire and Fury : inside the Trump White House (Le feu et la fureur : dans la Maison-Blanche de Trump), un livre événement qui met le feu à Washington.

Sur la base de 200 témoignages, l’auteur y décrit le chaos et les rivalités internes dans la  » Trump team « . Il cite l’ex-conseiller présidentiel Steve Bannon, qui règle ses comptes avec Jared Kushner, le gendre du président, et laisse entendre que la collusion entre l’équipe Trump et le Kremlin est un fait avéré, connu du président lui-même. Le sulfureux rédacteur en chef du site ultraconservateur Breitbart News évoque notamment la rencontre, dans la Trump Tower, le 9 juin 2016, de Donald Trump Jr (le fils aîné de Donald Trump), de son gendre Jared Kushner et du conseiller Paul Manafort avec des émissaires du Kremlin :  » La probabilité que « Don Jr » n’ait pas fait monter ces demeurés jusqu’au bureau de son père est égale à zéro « , assène Bannon qui, depuis la publication du livre, tente un retropédalage peu convaincant. Selon lui, Donald Trump Jr est désormais  » un patriote  » et un  » homme bien  » – ce qui le différencie d’Ivanka Trump, jugée  » bête comme une brique « .

Cette énième tempête médiatique fera-t-elle long feu, à l’instar de tant de polémiques, tweets scandaleux et déclarations à l’emporte-pièce depuis un an ?  » Notons que la base électorale de Trump demeure solide, avec un socle incompressible de 35 à 40 % de satisfaits, selon tous les sondages « , pointe Laurence Nardon, spécialiste des Etats-Unis à l’Ifri, l’Institut français des relations internationales. Une partie du pays adore le style transgressif et populiste du président. Et en redemande !  »

Reste que le trumpisme nuit gravement à la démocratie :  » En dénigrant sans relâche les institutions comme le FBI, la presse, le Congrès ou le pouvoir judiciaire, Trump sape méthodiquement la confiance d’une partie des Américains dans leur système « , déplore la juriste spécialiste des Etats-Unis, Anne Deysine. La nomination du juge Neil Gorsuch à la Cour suprême et celle de dizaines de juges fédéraux à d’autres échelons n’ont rien arrangé.  » La plupart de ces magistrats sont partisans et extrémistes et quelques-uns sont carrément médiocres sur le plan intellectuel, reprend l’auteure de La Cour suprême des Etats-Unis (Dalloz). A terme, cela impactera les décisions de justice, notamment sur les questions sociétales, comme l’interruption volontaire de grossesse ou les affaires de racisme.  »

Dans le domaine de la politique étrangère, aussi, l’An I de Trump a affaibli la crédibilité des Etats-Unis.  » En dénonçant les accords internationaux sur le commerce international ou le climat, en critiquant l’Otan, et en multipliant les tweets bizarroïdes, Donald Trump pousse nos partenaires historiques à se détourner de Washington, constate le politologue Andrew J. Polsky, du Hunter College de New York. C’est d’autant plus incompréhensible, ajoute-t-il, que depuis soixante-dix ans, le maintien de l’ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale profite largement aux Etats-Unis.  »

Dans ce maelström indéchiffrable, la question est : à quoi s’attendre en 2018 ?  » Pour autant qu’on sache, Trump n’a aucun programme pour les mois à venir ; les grands projets d’infrastructures évoquéS pendant sa campagne ne sont plus d’actualité « , souligne Polsky. Seul horizon : les élections législatives de mi-mandat en novembre prochain. Enjeu : le renouvellement des 438 députés de la Chambre des représentants et celui du tiers des 100 sièges au Sénat. Apparemment remobilisés après la claque électorale de novembre 2016, les démocrates possèdent aujourd’hui une avance de 13 % sur les républicains, si l’on en croit les sondages. Mais, d’ici à novembre, il y a tant d’inconnues…

Par Axel Gyldén.

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