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Trump laissera un trou béant dans les archives présidentielles

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Destruction de rapports officiels, rencontres non archivées… La présidence Trump pourrait être la moins bien documentée de l’histoire américaine. Cette volonté de détruire les éléments qui ont dicté la vie à la Maison-Blanche durant une période particulièrement mouvementée pose un sérieux problème de transparence.

Le mercredi 20 janvier, la Maison-Blanche changera officiellement de locataire. Mais une chose est sure, Donald Trump ne quittera pas son poste sans faire de vague. Les spécialistes des archives craignent que le président sortant ne se débarrasse de plusieurs documents officiels qui pourraient, à terme, lui porter préjudice. Un acte qui va à l’encontre d’une loi vieille de plusieurs décennies, la Presidential Records Act, qui exige la préservation des documents présidentiels. Qu’il s’agisse de mémos, lettres, courriels… Tous les documents que le président touche doivent être envoyés aux Archives nationales pour être conservés en tant que documents historiques.

Si l’un des loisirs préférés de Donald Trump est d’exprimer sa colère sur les réseaux sociaux – allant même jusqu’à inciter volontairement ou involontairement ses partisans à la haine, ce qui lui a valu la suppression définitive de son compte Twitter – le 45ème président des États-Unis est loin d’être un preneur de notes. Il n’aime pas garder des traces de son travail, et l’a bien fait comprendre à son administration.

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Détruire les preuves ?

Durant son mandat, Donald Trump a notamment pris la mauvaise habitude de déchirer des documents officiels avant de les jeter, dénonce le Guardian, obligeant ainsi les employés à passer des heures à tenter de recoller les morceaux. « Parfois, les papiers étaient simplement fendus au milieu, mais d’autres fois ils étaient déchirés en morceaux si petits qu’ils ressemblaient à des confettis « , témoigne au Politico Solomon Lartey, un ancien analyste des archives de la Maison-Blanche.

Entre 2016, année du début du mandat de Donald Trump, et mi-2018, au moins dix documents auraient dû être recollés. Il se souvient notamment d’une lettre adressée au Président par leleader démocrate au Sénat, Chuck Schumer. « C’était la chose la plus folle de tous les temps. Il a déchiré les papiers en petits morceaux. « 

Il n’existe pas non plus de véritables archives sur les cinq rencontres que Trump a eues avec Vladimir Poutine au cours des deux premières années de sa présidence. Le président aurait même confisqué les notes prises par un interprète lors d’un de ses entretiens avec Vladimir Poutine.

Selon le Washington Post, en 2017, Trump a même ordonné aux hauts responsables de la Maison-Blanche de signer un accord de confidentialité, pourtant contraire à la loi. Le personnel de Trump s’est également engagé dans des pratiques douteuses en utilisant des e-mails privés et des applications de messagerie non-officielles.

En tant que fonctionnaire à la Maison-Blanche, que pouvez-vous détruire et que pouvez-vous emporter avec vous?

À la première question, la réponse est « rien », en vertu de la Loi sur la préservation des archives officielles.

Quant à la deuxième question, le nombre de documents qu’un membre de l’équipe de Trump peut emporter est limité. Et pour cause : les archives présidentielles et les archives fédérales appartiennent au gouvernement des États-Unis. Seuls les dossiers personnels peuvent être pris et conservés après avoir quitté la fonction publique. Il s’agit :

  • de documents relatifs exclusivement à la propre élection du président et à l’élection d’un ou de plusieurs individus à un poste fédéral, d’État ou local qui « n’a aucun rapport ou effet direct sur l’exercice des fonctions constitutionnelles, statutaires ou autres fonctions officielles ou cérémonielles du Président« ;
  • et les documents relatifs aux associations politiques privées.

Source : justsecurity.org

Un trou béant

« Les historiens souffriront probablement de bien plus de trous que la norme« , alarme Richard Immerman de la Society for Historians of American Foreign Relations, dans des propos repris par le Guardian. Sous la présidence Trump, « non seulement la tenue de registres n’a pas été une priorité, mais nous avons de nombreux exemples qui montrent que certains documents ont été dissimulés ou détruits« , ajoute-t-il également.

Sans compter que les allégations de fraude électorale ont reporté de plusieurs semaines la reconnaissance de la victoire présidentielle de Joe Biden. Un retard qui a eu un impact sur les archives présidentielles, puisque le transfert de documents à la National Archives and Records Administration a été lui aussi retardé. Cette situation renforce davantage les inquiétudes des spécialistes quant à l’intégrité des documents.

Cette absence d’archives complètes pourrait finalement entraver les enquêtes sur Donald Trump, accusé notamment d’ingérence judiciaire et d’abus de pouvoir.

Pas de réelles conséquences pour Donald Trump

Trump ne craint pourtant pas d’enfreindre les règles… Et pour cause : aucune sanction explicite pour violation des lois n’est définie dans la loi sur les archives présidentielles. La loi stipule bien qu’un président ne peut pas détruire les documents tant qu’il n’a pas demandé l’avis de l’archiviste national et informé le Congrès. « Mais la loi ne l’oblige pas à tenir compte des conseils de l’archiviste « , explique le Guardian.

Pour tenter de limiter les pertes, deux associations historiques américaines, les archives de la Sécurité nationale et Citizens for Responsibility and Ethics à Washington ont lancé une procédure en justice pour l’empêcher de détruire des e-mails ou des messages officiels échangés sur des comptes privés.

Outre la perspective de continuer à faire taire les anciens membres du personnel de la Maison-Blanche ou de déchiqueter des documents officiels, le plus gros danger qui menace la démocratie n’est pas les non-dits, mais bien ce que Trump pourrait encore dire après son départ. Serait-il capable de vendre quelques secrets américains bien gardés à des adversaires de Joe Biden ? Ce n’est pas totalement impossible. Non, l’ex-président ne partira pas sans faire de vague…

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