Les propriétaires de flamants roses ne savent que très rarement comment s'en occuper. Celui-ci, mal en point, peine à se tenir sur ses pattes. © Chloé Sharrock

Trafic en eaux troubles dans les marécages des Ahwar (en images)

Pourtant classés patrimoine mondial de l’Unesco, les marécages des Ahwar, au sud de l’Irak, sont menacés par les braconniers qui y chassent le flamant rose. Une pratique condamnée mais indispensable à la survie de cette région frappée par la pauvreté.

Un article de Quentin Müller et Sylvain Mercadier. Photos: Chloé Sharrock.

Depuis plus de trente ans, Mustafa Ahmed Ali vend des oiseaux d’ élevage et sauvages sur le marché d’al-Amara. Cette ville du sud-est de l’Irak, située à 150 kilomètres au nord de la métropole Bassorah, non loin de l’Iran, est proche des Ahwar, marécages classés patrimoine mondial de l’Unesco. Elle fait pourtant office de plaque tournante du trafic de volatiles protégés. Dans cette région pauvre, marquée par un fort taux d’analphabétisme, le braconnage reste une activité économique nécessaire à la survie de nombreuses familles.

Mustafa Ahmed Ali avoue sans détour fournir de nombreux oiseaux sauvages à de riches Irakiens et à des ressortissants des pays du Golfe, notamment. « Des Saoudiens, Qataris ou Koweïtiens en ornent leur jardin ou leur zoo privé. J en écoule entre un et dix par mois. Morts ou vifs, car ici on les mange aussi. » Les flamants roses, eux, se vendent par paire, de 30 000 à 40 000 dinars irakiens (entre 17 et 22,5 euros). L’ homme se les procure à Sheeb, un grand lac artificiel perdu dans les marécages proches de la frontière iranienne, où les braconniers tendent des pièges. Le docteur Saleh, qui milite pour la protection de la biodiversité de la région d’al-Amara, les connaît bien: « Parfois, je renseigne la police de l’environnement, qui a besoin d’informations pour monter des opérations. Elle n’ agit jamais spontanément. Les malfrats sont armés et, s’ ils me repèrent, ils me menacent de mort. »

Ancien haut lieu de la résistance à Saddam Hussein, ces marécages sont restés une zone de non-droit où la chasse d’espèces protégées, mais aussi les trafics de drogue et d’armes sont monnaie courante. Si aucune loi ne vise les flamants roses en particulier, plusieurs accords internationaux de protection des oiseaux migrateurs, ratifiés par l’Irak, permettent aux autorités d’intervenir. Cependant, leur pouvoir est limité, entre autres parce que les marais sont situés aux confins de l’Iran et l’Irak, ce qui complique les contrôles et les arrestations.

Une bague retrouvée sur un des volatiles indique qu'il provient initialement d'Iran. Il aurait donc été capturé dans les marais irakiens après y avoir migré.
Une bague retrouvée sur un des volatiles indique qu’il provient initialement d’Iran. Il aurait donc été capturé dans les marais irakiens après y avoir migré.© Chloé Sharrock
Le marché aux oiseaux d'al-Amarah en propose de nombreux spécimens, d'élevage ou sauvages. Les flamants ne se vendent cependant qu'en toute discrétion, via le bouche à oreille.
Le marché aux oiseaux d’al-Amarah en propose de nombreux spécimens, d’élevage ou sauvages. Les flamants ne se vendent cependant qu’en toute discrétion, via le bouche à oreille.© Chloé Sharrock
Ali Abou Ahmed, 51 ans, pose fièrement avec l'un des flamants qui ornent son jardin depuis sept ans. Il leur a laissé les plumes intactes, contrairement à de nombreux propriétaires qui les coupent pour les empêcher de s' enfuir.
Ali Abou Ahmed, 51 ans, pose fièrement avec l’un des flamants qui ornent son jardin depuis sept ans. Il leur a laissé les plumes intactes, contrairement à de nombreux propriétaires qui les coupent pour les empêcher de s’ enfuir.© Chloé Sharrock
Ali Abou Ahmed, 51 ans, pose fièrement avec l'un des flamants qui ornent son jardin depuis sept ans. Il leur a laissé les plumes intactes, contrairement à de nombreux propriétaires qui les coupent pour les empêcher de s' enfuir.
Ali Abou Ahmed, 51 ans, pose fièrement avec l’un des flamants qui ornent son jardin depuis sept ans. Il leur a laissé les plumes intactes, contrairement à de nombreux propriétaires qui les coupent pour les empêcher de s’ enfuir.© Chloé Sharrock
Si ces trois-ci n'ont d'autre fonction que d'embellir le jardin d'une demeure luxueuse, la chair des oiseaux est également prisée. En particulier leur cerveau, considéré comme un mets délicat.
Si ces trois-ci n’ont d’autre fonction que d’embellir le jardin d’une demeure luxueuse, la chair des oiseaux est également prisée. En particulier leur cerveau, considéré comme un mets délicat.© Chloé Sharrock
Ahmed Saleh, activiste environnemental, milite pour préserver la biodiversité de la région, classée patrimoine mondial de l'Unesco. Il achète régulièrement des animaux de diverses espèces au marché noir, afin de les relâcher dans leur milieu naturel.
Ahmed Saleh, activiste environnemental, milite pour préserver la biodiversité de la région, classée patrimoine mondial de l’Unesco. Il achète régulièrement des animaux de diverses espèces au marché noir, afin de les relâcher dans leur milieu naturel.© Chloé Sharrock
Des braconniers dans des marais non loin d'Amarah, à une trentaine de kilomètres de la frontière iranienne. C'est ici que migrent par centaines des flamants roses attirés par une nourriture abondante et un climat doux durant l'hiver.
Des braconniers dans des marais non loin d’Amarah, à une trentaine de kilomètres de la frontière iranienne. C’est ici que migrent par centaines des flamants roses attirés par une nourriture abondante et un climat doux durant l’hiver.© Chloé Sharrock

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