Le président polonais Andrzej Duda © REUTERS

Tensions entre la Pologne et l’Ukraine, rattrapées par leur histoire douloureuse

Le Vif

Un vent froid souffle sur les relations entre la Pologne et l’Ukraine, rapprochées par leurs soucis de sécurité face à la Russie, mais qui peinent à enterrer un passé historique douloureux, si douloureux qu’en Pologne on l’a qualifié de « génocide ».

La visite que le président Andrzej Duda devrait faire en Ukraine en décembre prochain n’a pas été confirmée et le chef de l’Etat a indiqué qu’elle était « toujours à l’étude » dans une interview parue vendredi dans le quotidien catholique Nasz Dziennik.

Le même jour, intervenant sur une radio catholique, il a confirmé que la Pologne appuyait l’Ukraine dans le contexte du conflit séparatiste et donc soutenait la politique de sanctions européennes contre la Russie.

Mais il s’est dit aussi « très inquiet » de voir « certains citoyens de l’Ukraine et malheureusement certains représentants des autorités ukrainiennes, nier la vérité historique » sur le passé des relations entre les deux pays.

Massacres en Volhynie

Il faisait allusion aux obstacles, mis, selon les médias polonais, par les autorités ukrainiennes à l’exhumation de victimes polonaises des massacres en Volhynie.

La Pologne reproche à l’Ukraine de n’avoir pas explicitement condamné les massacres, commis par les nationalistes ukrainiens de l’armée insurrectionnelle UPA, qui ont fait en 1943 au moins 50.000 morts au sein de la minorité polonaise de la Volhynie, région orientale de l’Etat polonais d’avant 1939. Pour la Pologne, il s’est agi d’un « génocide », terme utilisé dans une résolution du parlement en 2016.

La résistance polonaise y avait mené des actions de représailles, mais de bien moindre importance. Cependant, aux yeux des historiens ukrainiens, ces actions justifient qu’on mette sur le même plan les actes commis par les deux parties et donc l’absence d’excuses de Kiev. Le président Petro Porochenko a prononcé à plusieurs reprises la phrase « nous pardonnons et demandons pardon », et a déposé en juin 2016 à Varsovie une gerbe de fleurs devant le monument aux victimes polonaises en Volhynie.

A Varsovie, on observe aussi avec beaucoup d’appréhension le respect dont on entoure aujourd’hui en Ukraine le dirigeant de l’UPA Stepan Bandera, qui avait brièvement combattu l’Allemagne nazie, mais aussi collaboré avec elle.

Interrogé au parlement jeudi soir, un vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Bartosz Cichocki, a reproché à Kiev « des décisions qui mettent en question la déclaration sur le partenariat stratégique ».

Cette déclaration avait été signée en 2007 à Kiev par les présidents de l’époque Lech Kaczynski et Viktor Iouchtchenko, alors que les relations entre les deux pays se renforçaient après la victoire de la « révolution orange » en Ukraine.

L’un des effets de cette évolution s’est traduit par une immigration massive de travailleurs ukrainiens vers la Pologne. Leur nombre approche d’un million et pourrait augmenter encore, car ils s’intègrent sans problème dans la société polonaise, qui manque de main d’oeuvre.

Partenaire stratégique

Selon des médias proches des conservateurs polonais, ces derniers se seraient particulièrement émus des propos de Volodymyr Viatrovytch, directeur de l’Institut ukrainien de la mémoire nationale, un organisme de recherche financé par le gouvernement.

L’historien, ont-ils affirmé, a déclaré sur Facebook que des plaques apposées sur la tombe du Soldat inconnu à Varsovie pour honorer les soldats polonais tués en combattant l’UPA, « rendent hommage, au niveau de l’Etat, aux tchékistes », autrement dit à la police politique communiste.

Aux yeux des patriotes polonais, une telle association d’idées est une insulte grave.

Un quotidien polonais, Dziennik Gazeta Prawna (DGP) a affirmé jeudi que la Pologne avait interdit à M. Viatrovytch l’entrée sur son territoire, mais le ministère polonais des Affaires étrangères n’a ni confirmé ni démenti cette information. Sollicité par les journalistes à Kiev, M. Viatrovytch s’est borné à dire qu’il n’avait pas été informé d’une telle décision et n’avait pas l’intention d’aller en Pologne prochainement.

« L’Ukraine n’a pas l’intention de politiser le passé historique des rapports polono-ukrainiens et s’attachera à garder une attitude constructive », a déclaré vendredi à l’AFP la porte-parole de la diplomatie ukrainienne Mariana Betsa. « L’Ukraine est un partenaire stratégique de la Pologne », a-t-elle souligné.

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