Comme Natalia, de nombreux Ukrainiens se terrent dans le sous-sol de leur immeuble à chaque alerte. © REUTERS

Témoignage depuis Kiev: ne surtout pas ramasser les boîtes d’allumettes bleues. Elles seraient chargées d’explosifs

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

A Kiev, la vie de Natalia se déroule par à-coups, entre les hurlements de sirènes et les nouvelles, bonnes ou mauvaises, qui lui arrivent de façon continue. Quoi qu’il arrive, elle restera dans la capitale. C’est sa seule et dernière évidence.

Elle s’appelle Natalia. A 47 ans, cette enseignante de français vit à Kiev. Ou plus exactement, elle se terre à Kiev, dans la cave de son vieil immeuble, chaque fois que les sirènes résonnent. Elle est née là. « Je ne voudrais être nulle part ailleurs », assurait-elle, alors qu’un gigantesque convoi de chars russes se dirigeait vers la capitale ukrainienne. Informée 24 heures sur 24 par les chaînes de télévision qui se sont alliées pour couvrir cette guerre en continu, elle suit aussi les informations diffusées sur les réseaux sociaux et sur Corona-info, l’ex-messagerie gouvernementale transformée en Oukraïna-info. « Je sais que Kiev risque d’être encerclée, nous confiait-elle le 28 février. Aucune consigne d’évacuation n’a été donnée. De toute manière, évacuer presque trois millions d’habitants est impossible. A la gare et aux points de départ des bus, les temps d’attente sont énormes. Aux premiers jours du conflit, j’étais tellement sous le choc que je n’ai pas pensé à partir. Maintenant non plus: j’ai le sentiment que je suis plus protégée par mes murs que sur la route. Je vais résister, rester jusqu’au dernier moment possible, et voir si je peux me rendre utile en deuxième ligne, par exemple en donnant mon sang. »

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A Kiev, il se dit qu’il ne faut surtout pas ramasser les boîtes d’allumettes en paquet bleu, que l’on trouverait dans la rue. Elles sont chargées d’explosifs. Pareil avec les poupées abandonnées par des saboteurs sur la voie publique. Les étals des boutiques sont quasi vides. Il n’y a plus de pain. Natalia a de quoi tenir quelques semaines, « en comptant chaque grain de riz« . Elle détient, comme presque tous ses compatriotes, des conserves chez elle, des concombres, des pâtes, du riz. Ce qu’elle craint, ce sont les coupures d’eau et d’électricité, comme à Marioupol, à l’est du pays. Le chauffage, électrique ou au charbon, est centralisé à Kiev. Si le réseau venait à être détruit par un bombardement, il ne serait plus possible de se chauffer. Or, il a neigé récemment…

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Comme d’autres Ukrainiens en début de semaine, Natalia attendait des puissances étrangères qui font front face à l’Ukraine qu’elles ferment le ciel à l’armée russe. « Merci pour toutes les mesures exceptionnelles que vous avez déjà prises pour nous soutenir, disait-elle. Si vous le pouvez, empêchez les Russes d’occuper le ciel. Car sur ce plan, nous ne pouvons nous défendre. Au sol, par contre, nous sommes capables de résister. J’aimerais aussi que tous les gens et tous les pays qui se disent neutres, arrêtent de l’être. On ne peut pas rester neutre face à ce conflit… Des membres de ma famille vivent en Russie. Ils ne m’ont pas contactée pour prendre de mes nouvelles. Non pas parce qu’ils ont peur, mais parce qu’ils sont pris par la propagande de Poutine. Des soldats russes vont pourtant mourir dans cette guerre ou sont déjà morts. Les mesures que vous avez décidées, sur les plans financier, aérien, interbancaire, diplomatique, culturel ou sportif causeront du tort aux Russes. Mais il faut utiliser tous les canaux. Les Russes ne peuvent rester indifférents à ce qui se passe. Ni continuer à vivre comme si de rien n’était, en répandant une histoire de la Russie fausse et réécrite. Poutine est fou et n’est contrôlé par personne. »

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