Le variant britannique associé à une plus forte mortalité, affirme Boris Johnson © belga

Suite au Brexit, le Royaume Uni va « devoir faire beaucoup plus d’efforts pour avoir une vraie influence dans le monde »

Le Vif

Le Royaume-Uni va devoir faire « beaucoup d’efforts » pour retrouver une « vraie influence » dans le monde après sa sortie de l’Union européenne, anticipe la diplomate française Sylvie Bermann, autrice de « Goodbye Britannia, Le Royaume-Uni au défi du Brexit », dans une interview à l’AFP.

Ambassadrice à Londres de 2014 à 2017, elle a été témoin du référendum sur le Brexit en 2016 et a suscité quelques froncements de sourcils en Grande-Bretagne en qualifiant le Premier ministre Boris Johnson de « menteur impénitent ».

Comment le Royaume-Uni s’en sort-il deux mois après avoir largué les amarres de l’UE ? Déjoue-t-il les pronostics des Européens qui le voyaient perdant ?

SB « Je n’en suis pas sûre. Plus de 700.000 Européens ont quitté le pays. Il y a des difficultés dans les relations commerciales, en Irlande du Nord. C’est la raison pour laquelle les Britanniques ont voulu prolonger la période de grâce (sur les contrôles de marchandises arrivant dans la province depuis la Grande-Bretagne, NDLR).

Amsterdam a dépassé Londres comme place financière. Certaines entreprises ont indiqué qu’elles s’installeraient sur le continent parce que cela va devenir beaucoup plus compliqué d’exporter. Il y a également beaucoup plus de bureaucratie qu’avant.

Et le Brexit n’est pas fini. C’est un peu le début. Il reste plein de questions non réglées. On le voit avec l’Irlande du Nord. Aucun accord n’est intervenu sur les services financiers qui représentent 80% des exportations du pays. »

Le Royaume-Uni fait la course en tête aujourd’hui en Europe sur la vaccination. Boris Johnson en joue-t-il pour occulter les difficultés liées au Brexit ?

SB: « La crise sanitaire dissimule un peu le reste parce que la campagne de vaccination britannique est bien meilleure que celle des Européens. Bravo pour cela. Ce n’est pas complètement dû au Brexit non plus, même si cela a été valorisé comme cela. En réalité, la commande de vaccins avait été faite alors que le Royaume-Uni était encore contraint par les règles européennes. C’est normal que Boris Johnson surfe sur ce succès-là. Mais le Royaume-Uni reste parmi les pays les plus touchés au monde.

Je suis un peu surprise qu’on en ait fait toute une histoire parce que j’ai dit qu’il était un menteur. C’est bien connu. Il a commencé par être licencié par le Times (lorsqu’il était correspondant du journal à Bruxelles). Tous les journalistes au Royaume-Uni sont au courant de ses « euromythes ». Beaucoup savaient que c’était des inventions (tournant l’UE en dérision) mais elles ont eu un impact, elles ont préparé d’une certaine manière la réaction contre l’Europe. »

Que représente désormais le Royaume-Uni sur la scène internationale et qu’en est-il de sa « relation spéciale » avec les Etats-Unis ?

SB: « La donnée principale aujourd’hui dans le monde, c’est cette Guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine. Les Chinois sont intéressés par l’UE. C’est une des raisons pour lesquelles ils ont accepté des concessions en décembre en ce qui concerne l’accord sur les investissements. Et les Américains souhaitent avoir le soutien des Européens pour une certaine politique d’endiguement de la Chine.

Dans cette relation triangulaire USA/Chine/UE, c’est plus difficile pour le Royaume-Uni de jouer un rôle. Ils vont devoir faire beaucoup plus d’efforts pour avoir une vraie influence dans le monde.

Quant à la « relation spéciale » avec les Etats-Unis, elle est surtout spéciale pour les Britanniques. Les Etats-Unis utilisaient souvent les Britanniques comme pont ou relais avec l’UE. Bien évidemment c’est un rôle qui est perdu.

Boris Johnson a de la chance parce qu’il préside cette année le G7. Il aura aussi la COP26 (conférence sur le climat) en novembre à Glasgow. Cela lui donne une visibilité qui serait plus difficile à obtenir autrement. »

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