Gérald Papy

« Sri Lanka, minorités chrétiennes et réseaux sociaux »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La revendication le mardi 23 avril par l’Etat islamique des terribles attentats au Sri Lanka le dimanche de Pâques (310 morts dans des hôtels et des églises) n’est pas une garantie absolue de son implication. Le groupe terroriste s’est déjà attribué, par le passé, des tueries auxquelles il n’avait apporté aucun concours et qu’il n’avait même pas inspirées. Et pourtant…

Il y a pléthore d’indices pour accréditer une participation étrangère dans les explosions meurtrières concomitantes de Colombo (côte ouest) et de Batticaloa (côte est). Depuis le début des années 1980, l’île de l’océan Indien a connu les affres de la guerre civile entre la majorité cinghalaise et la minorité tamoule (26 ans, quelque 100 000 morts) et les ravages d’un tsunami (le 26 décembre 2004, environ 50 000 personnes décédées). Mais elle n’avait jamais été le théâtre d’attentats à connotation religieuse d’une telle ampleur. Malgré sa mosaïque de confessions. On remarquera d’ailleurs qu’en procédant à la coupure de Facebook, Twitter ou Whatsapp sans susciter l’accusation de censure mais bien celle d’entrave éventuelle à la recherche de survivants, le gouvernement a officialisé à la face du monde – il les avait déjà interrompus en mars 2018 – le pouvoir de nuisances des réseaux sociaux, en l’occurrence l’encouragement aux vengeances dans une société fragilisée.

Dans un cadre strictement national, on ne voit néanmoins pas quels intérêts pourrait servir l’attaque par des extrémistes d’une minorité (musulmane, quelque 7% de la population) des fidèles d’une autre minorité (chrétienne, de taille à peu près équivalente). En revanche, le ciblage de chrétiens et de touristes  » fait sens  » dans  » l’idéologie  » internationaliste des terroristes de Daech. L’ampleur des moyens requis par une opération d’une telle envergure (sept kamikazes pour six lieux majeurs d’explosion) interroge en outre la possibilité qu’une organisation locale comme le National Tawheed Jamaath, pointée par les autorités, en soit le maître d’oeuvre. Enfin, si l’ancienne Ceylan a été moins affectée par l’islamisme salafiste moyen-oriental que sa voisine des Maldives, le ministre cinghalais de la Justice reconnaissait tout de même il y a deux ans qu’une trentaine de nationaux fondamentalistes musulmans avaient fait le voyage de Syrie au nom du djihad.

Les persécutions contre les chrétiens dans le monde ont pour principaux théâtres – les attentats du Sri Lanka y dérogent – des pays ou parties d’Etat où une prédominance musulmane se conjugue à une surenchère fondamentaliste, au Nigeria, en Egypte, dans l’Irak et la Syrie de Daech… Leur répétition ces dernières années a fait prendre conscience du sort peu enviable, souvent minimisé en Europe, de ces communautés. Est donc partiellement révolu le temps où le grand spécialiste des religions René Guitton pouvait déplorer que  » l’Occident, de plus en plus déchristianisé, peine à imaginer que les chrétiens puissent être persécutés parce que chrétiens, car être chrétien, selon un raccourci fréquent, c’est être du côté du pouvoir  » ( Ces chrétiens qu’on assassine, Flammarion, 2009). A ceux qui, malgré tout, douteraient encore que les persécutions des chrétiens d’Orient relèvent de la défense universelle des droits de l’homme et que le coeur du christianisme a quitté l’Europe où il domina il y a fort longtemps, le pape François le leur a rappelé lors de son message pascal. Il a prié pour les chrétiens du Sri Lanka. Mais n’a dit mot sur l’incendie, certes dramatique, de Notre-Dame de Paris.

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