Donald et Melania Trump © REUTERS

Six éléments qui expliquent (un peu) la victoire de Trump

Rudi Rotthier
Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

Il est difficile d’exagérer la stupeur qui a frappé une partie des États-Unis après la victoire électorale de Donald Trump. Les sondages de sortie des urnes, cités par tous les plus grands médias, faisaient état d’une victoire confortable pour Hillary Clinton.

Sur les chaînes télévisées américaines, de Fox News (de droite) à MSNBC (de gauche), la consternation était générale. Les sondages montraient qu’une grande majorité d’électeurs trouvaient Trump peu fiable (tout comme Clinton d’ailleurs) et psychologiquement beaucoup moins apte que sa rivale à devenir président.

Même dans les bureaux de vote, les « électeurs de Trump » ont caché leur jeu. Il y a eu nettement plus d' »électeurs cachés de Trump » que prévu, même par les collaborateurs de Trump les plus optimistes. Il faudra étudier cette question, mais il est possible que les électeurs de Trump, rejetés par les commentateurs, les journaux, n’aient pas vu de raison de faire confiance aux représentants des instituts de sondage. Ils considéraient ceux qui voulaient connaître leur opinion comme un prolongement de la presse hostile.

Le bouleversement, qui a vu des états comme le Wisconsin, considérés comme à ce point sûrs par la campagne Clinton, qu’elle n’y est même pas allée, tomber aux mains de Trump, était difficile à sonder parce que les sondés n’ont pas coopéré.

En attendant plus d’informations, voici déjà six éléments qui peuvent expliquer la victoire de Trump.

1. Trump avait un message, Hillary non

Aussi contradictoire qu’il soit, Donald Trump a diffusé un message assez cohérent. Il était pour le nationalisme, contre le libre-échange, contre la migration, contre les interventions coûteuses à l’étranger. Il a rarement donné des détails, mais les grandes lignes étaient claires. Et celles-ci plaisaient, surtout dans le coeur industriel en déclin du pays, où la classe ouvrière essentiellement blanche risque de perdre ses emplois. Hillary Clinton ne savait pas quel choix adopter : incarner le changement ou représenter le troisième mandat d’Obama. À en croire les fuites de WikiLeaks, sa propre campagne s’inquiétait de l’absence d’un message simple et facile à répéter.

2. Trump semblait authentique, Hillary non

Avec toutes ses bévues et ses interventions grotesques, Trump donnait l’impression d’être une personne en chair et en os.

Hillary Clinton a obtenu six millions de voix de moins qu’Obama en 2012. Elle a perdu notamment les voix des ouvrières blanches au profit de Trump. Malgré ses insultes proférées contre les latinos, Trump a engrangé un peu plus de voix de Noirs et de latinos. Hillary Clinton a eu moins de voix qu’Obama dans la plupart des catégories d’électeurs, alors qu’elle disposait d’une organisation réputée pour convaincre les électeurs d’aller voter, mais elle a souffert d’un déficit d’enthousiasme.

3. Les électeurs cherchaient un non-initié

Si Donald Trump n’était pas le représentant idéal des ouvriers qui lui ont donné leur voix, il répondait à un critère : il devient le premier président qui n’a pas d’expérience dans la politique active ou l’armée. Hillary Clinton était l’inverse : elle était étroitement liée à un Washington considéré par le noyau dur de Trump comme indifférent à leurs problèmes. Le départ des usines suite aux traités de libre-échange et l’immobilisme de Washington contre la police migratoire sont souvent cités en exemple.

Au sein du parti démocrate aussi, on appelait à un non initié. Mais ce dernier, Bernie Sanders, a perdu les primaires de justesse contre Clinton, notamment suite aux manipulations du parti.

Qu’Hillary se fasse systématiquement entourer, par le couple Obama, Katy Perry, Lady Gaga ou Jon Bon Jovi n’a fait que renforcer ce sentiment. Trump était face à une élite unie. Qu’elle se présente comme la candidate la mieux préparée de tous les temps n’a pas aidé non plus. Les gens ont préféré un outsider non préparé à une insider pas aimée.

4. Les outrages subis par les adeptes de Trump n’ont fait que renforcer leur fidélité

Donald Trump a insulté les candidats, mais rarement les électeurs. En revanche, Hillary Clinton a placé la moitié des sympathisants de Trump dans un « basket of deplorables » (un panier de pitoyables). Plus tard, elle s’est excusée du terme « la moitié », mais non du mot « pitoyable ». Aussi ses adeptes trouvaient-ils que non seulement Hillary ignorait leurs problèmes, mais qu’en plus elle les méprisait.

Les adeptes de Trump estiment aussi que la presse le maltraite. Salena Zito le résume de la façon suivante dans The Atlantic : « La presse interprète littéralement ce qu’il dit, mais ne le prend pas au sérieux. Ses adeptes ne l’interprètent pas littéralement, mais ils le prennent au sérieux ».

Alors qu’à leurs yeux les journalistes s’arrêtaient aux moindres déclarations de Trump, les adeptes voyaient les grandes lignes : ils en ont marre des (autres) politiciens et veulent du changement, ils veulent des emplois. S’ils admettent qu’il y avait du racisme, de la misogynie, et de la violence dans la campagne de Trump, ils trouvent que la presse leur a accordé une attention démesurée et qu’elle a négligé d’éclairer d’autres éléments. L’indignation de la presse est souvent liée au politiquement correct : la presse est accusée d’avoir voulu réduire Trump au silence.

5. La campagne de Clinton n’était pas aussi bonne que ce qu’elle croyait.

Hillary Clinton était entourée d’une équipe enthousiaste qui misait en grande partie sur la défense. Trump attaquait. L’équipe de campagne de Clinton a commis quelques erreurs. Une étude interne a ainsi révélé que le Wisconsin pouvait être un problème, mais les experts n’ont pas cru leurs propres chiffres.

6. Le succès de Trump est aussi une réaction à Obama, et à une candidate féminine.

En partie, ce résultat électoral est une conséquence du revanchisme anti-Obama, et d’antiféminisme (ou simplement de racisme et de misogynie).

Excité par Trump et sa recherche du certificat de naissance d’Obama, une partie de l’électorat n’a jamais accepté le président actuel. Et Trump a indiqué plusieurs fois que les généraux n’écouteraient pas Clinton.

Cependant, il y a un autre élément en jeu.

Quelle que soit la popularité actuelle d’Obama, il est l’incarnation d’un professeur politique qui aime expliquer les détails (même son épouse s’en plaint) et qui essaie de nuancer.

Obama s’est vu infliger une série d’affronts diplomatiques (relatifs) : Cuba, l’Arabie saoudite et la Chine ne l’ont pas reçu avec les égards habituels. Obama n’a rien dit, et même quand la Chine n’a pas prévu d’escalier de cérémonie pour l’atterrissage, et que ses collaborateurs étaient furieux qu’il ait dû quitter l’avion par l’arrière, Obama a calmé les esprits.

Pour les adeptes de Trump, c’est un manque de respect pour les États-Unis. Les défavorisés qui votent pour Trump trouvent leur gloire dans leur pays. Mais ils trouvent que sous Obama une partie de cette gloire, leur gloire, a disparu.

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