Carte blanche

Se préparer à la prochaine pandémie (carte blanche)

« Il est indispensable d’établir des Objectifs de Préparation aux Pandémies », déclare l’Institute for the Future de Louvain.

Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons remodeler l’avenir. S’inspirant des Objectifs de Développement Durable, l’Institute for the FuturedeLouvain et ses partenaires défendent la nécessité mondiale d’adopter des Objectifs de Préparation aux Pandémies dans un rapport à la Commission Parlementaire Spéciale Fédérale COVID-19. L’élaboration de tels objectifs, aux cibles clairement identifiées et aux indicateurs spécifiques, a pour ambition d’aider les décideurs politiques et la société dans son ensemble à améliorer continuellement la préparation à la prochaine pandémie.

Une pandémie n’est pas simplement une crise sanitaire, c’est une crise sociétale. La pandémie de Covid-19 est la crise la plus marquante qu’ait connu le monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle a eu un impact sur tous les aspects de la société et ses répercussions se feront ressentir encore longtemps. Les situations et expériences parfois éprouvantes qui ont été vécues durant cette crise resteront à jamais gravées dans la mémoire collective de l’humanité.

Bien que les circonstances exactes de l’apparition de la pandémie actuelle demeurent inconnues, le monde devra probablement faire face à d’autres pandémies à l’avenir. C’est même une certitude : la seule chose que nous ignorons, c’est quand elles surviendrontet quelle sera leur ampleur. Mieux la société y sera préparée, moins elle courra le risque de voir des situations déplorables se répéter. Améliorer la préparation aux épidémies est donc une nécessité. La crise de la Covid-19 a en effet révélé de graves lacunes dans la préparation à la pandémie – à l’échelle nationale comme mondiale, même si nous avons pu, par moments, en retirer du positif.

Il y a plus d’un an le Projet belge de Préparation à une Pandémie de Coronavirus a été créé par l’Institute for the Future de la KU Leuven dont l’objectif principal fut d’examiner la pandémie de Covid-19 dans son ensemble, afin d’en tirer des leçons pour l’avenir.

Cette préparation pandémique indique dans quelle mesure une société est prête a faire face à une pandémie. La préparation pandémique va bien au-delà de la constitution de stocks d’équipements de protection ; c’est une matière complexe impliquant de nombreux problèmes qui se posent et s’opposent. Pour que la société continue de fonctionner au mieux, les plans de préparation aux pandémies doivent assurer le juste équilibre entre intérêts individuels et collectifs, préoccupations locales et internationales, préjudice à court et à long terme, réactivité et réflexion approfondie, pour n’en citer que quelques-uns. De plus, tous les aspects de la vie en société doivent être considérés à différents niveaux et sur différents horizons temporels.

C’est pourquoi la préparation pandémique nécessite une approche transdisciplinaire et un exercice d’apprentissage mutuel entre disciplines scientifiques, institutions universitaires et acteurs sociétaux. Afin d’inclure les effets à long terme de la pandémie, les mesures d’intervention, ainsi que l’expertise des acteurs sous-représentés, cet exercice doit être poursuivi et répété dans le temps. Même si cette démarche est possible et nécessaire, l’inscrire dans le temps n’est pas chose aisée. Tout d’abord, en raison de ce que l’on appelle le « paradoxe de la prévention pandémique » : si une société est parfaitement préparée à une pandémie, celle-ci n’aura aucun effet dévastateur, et l’urgence qui sous-tend les efforts de préparation à une pandémie se dissipera. Ensuite, parce que le temps ne joue pas en faveur de ces efforts. L’intervalle de temps entre deux pandémies à fort impact sociétal peut s’étendre sur plusieurs générations. Le risque d’oubli de la préparation pandémique s’accentue au fur et à mesure que le souvenir de la crise précédente s’estompe dans la mémoire collective. Une nouvelle pandémie frapperait alors à nouveau une société non préparée, et les erreurs du passé se répèteraient inévitablement.

C’est pour cette raison qu’il faut développer une vision à long terme comprenant plusieurs objectifs. Ces objectifs sont un instrument important pour mettre les enseignements en pratique. Ils aident les décideurs politiques à structurer le débat, à fixer des priorités et à prendre des mesures en élaborant un cadre politique et légal. Ils permettent également de visualiser les progrès et évitent la stagnation.

En s’inspirant des Objectifs de Développement Durable, nous proposons donc de définir un ensemble d’Objectifs de Préparation aux Pandémies (en anglais : Pandemic Preparedness Goals ou PPG), comprenant des objectifs-cibles et des indicateurs pour faciliter l’évaluation continue et stimuler l’amélioration. Pour tenir compte du contexte international et de la diversité locale, les PPG devront faire l’objet d’accords internationaux, tandis que les objectifs-cibles et les indicateurs pourront être adaptés à la situation locale. Un processus d’examen régulier devra être mis en place au niveau local et international pour suivre les progrès réalisés.

Les principales leçons tirées des difficultés observées en Belgique en rapport avec la Covid-19 peuvent être transposées en un nombre d’objectifs clairement identifiés, chacun regroupant plusieurs leçons. Étant donné qu’une pandémie est une crise, certaines leçons sont de nature plus générale et peuvent donc s’appliquer à d’autres types de crises. D’autres leçons peuvent être liées à des situations d’urgence, tandis que certaines ne s’appliquent qu’aux crises pandémiques.

A titre d’exemple, deux PPG potentiels ont été formulés comme suit : « Axer les soins sur la personne dans son ensemble — assurer un bien-être physique, mental et social intégré » et « Améliorer et professionnaliser la communication de crise ». Quatre autres PPG sont en cours d’élaboration. Quels que soient les PPG, ils doivent être conçus dans une démarche de co-création à l’échelle de la société, pour que la société dans son ensemble supporte ces objectifs.

Revenir à « l’ancienne normalité » n’est pas une option. Nous devons construire une société plus résiliente, capable de trouver des voies plus stables pour traverser la prochaine crise ou pandémie. Quelle que soit la voie que nous choisissons en tant que société, les PPG seront un guide indispensable. Nous espérons lancer un grand débat sociétal en vue de produire l’ébauche d’une vision pour ces objectifs de préparation, et de la traduire en un plan de mise en oeuvre. Nous ne prétendons pas être exhaustifs, mais nous souhaitons profiter de l’élan de la lutte contre la pandémie de Covid-19, car c’est maintenant que ce débat doit être entamé.

Le projet belge de Préparation à la Pandémie de Coronavirus (https://rega.kuleuven.be/if/pandemicpreparedness/home) est un projet de l’Institute for the Future de Louvain dans le cadre d’une collaboration entre la KU Leuven (chef de projet Prof A-M Vandamme), la Vrije Universiteit Brussel (chef de projet Prof E Van Hoof) et l’Institut de Médecine Tropicale (chef de projet Prof K Peeters) d’Anvers, et le soutien financier de la Fondation Roi Baudouin.

Le rapport complet à la Commission Parlementaire Spéciale Fédérale pour le COVID-19 est disponible ici (https://rega.kuleuven.be/if/pandemicpreparedness/introducing-pandemic-preparedness-goals), résumé également téléchargeable sous ce lien (https://rega.kuleuven.be/if/pandemicpreparedness/pandemic-preparedness-goals-fr).

Prof. Anne-Mieke Vandamme au nom de l’équipe Coronavirus Pandemische Paraatheid

KU Leuven, Institute for the Future, www.institute-for-the-future.be

Institut de recherche médicale Rega

Leuven, Belgique

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