Gérald Papy

Salah Abdeslam, affaire Maëlys,… « des silences assassins »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

À une époque où l’on renoue avec les vertus du silence pour combattre la tyrannie du brouhaha et de la communication, la liberté de se taire porte préjudice dans au moins un domaine, la manifestation de la vérité dans les affaires criminelles et terroristes.

Depuis plus de cinq mois, les parents de la petite Maëlys de Araujo vivent un calvaire indicible, maintenus qu’ils sont dans l’ignorance de ce qui a pu arriver à leur fille de 15 ans un soir d’août parce qu’un homme suspecté se mure dans un silence partiel sur son comportement. Les parents des victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris attendent, légitimement eux aussi, des réponses à leurs questionnements sur les motivations des assassins de leur proche.  » Approcher la vérité qui nous apportera un peu de sérénité « , selon la belle formule de l’un d’entre eux, motivait leur présence ou leur représentation au procès de Salah Abdeslam qui s’est ouvert cette semaine devant le tribunal correctionnel de Bruxelles pour le dossier connexe de la fusillade de Forest du 15 mars 2016.

Leurs espoirs, même ténus, ont vite été déçus par le dernier protagoniste en vie de l’attaque de l’Etat islamique en France. Ce n’est pas une surprise. Salah Abdeslam n’avait le choix qu’entre la lâcheté et la lâcheté. Ouvrir le champ de l’explication de son comportement pendant la préparation, la perpétration et la gestion des attentats de Paris l’exposait à la trahison des siens et à l’aveu de  » faiblesse « , lui qui n’a pas su imiter ses coreligionnaires. Décliner la moindre réponse sur les circonstances de sa fuite le range définitivement, aux yeux des victimes, dans la catégorie des couards même pas capables d’assumer leurs actes. A la lâcheté vis-à-vis de ses pairs, il a préféré la lâcheté à l’égard des parents dont il a contribué à briser la vie.

Même s’ils apparaissent parfois décevants, les procès des attentats sont l’honneur de nos démocraties

Son discours liminaire devant la présidente du tribunal, lui non plus, ne trompe personne. En déniant à la justice belge la légitimité de le poursuivre, en s’en remettant au seul jugement d’Allah et en jouant sur la victimisation des musulmans au-delà de toute réalité, Salah Abdeslam reproduit la rhétorique rudimentaire de tout djihadiste, loin de l’argumentation élaborée qui l’érigerait en porte-parole des prisonniers de Daech en Europe. Salah Abdeslam est ainsi renvoyé à son passé de petit délinquant radicalisé par cooptation et à ce que fut sans doute son rôle dans les attentats de Paris : un rouage parmi d’autres du commando, important certes, mais pas au-delà de la logistique et du passage à l’acte programmé.

Même s’ils peuvent parfois apparaître décevants, les procès liés aux attentats les plus meurtriers perpétrés en Belgique et en France ces dernières années, qui ont vu comparaître Abdelkader Merah, Salah Abdeslam ou même le fantasque logeur de Saint-Denis Jawad Bendaoud, sont l’honneur de nos démocraties. Ils témoignent de la force de l’Etat de droit. Mais les mener à bien dans le respect des règles de justice, y compris le droit au silence, ne doit pas distraire le pouvoir d’un autre enjeu : la prévention de la radicalisation en prison et le suivi postcarcéral que le défi des returnees d’Irak et de Syrie rendra encore plus aigus. Dans l’attente de ces réponses espérées du gouvernement, il importe de rendre hommage aux magistrats et aux enquêteurs de ces complexes dossiers de terrorisme, eux qui participent à l’établissement de la vérité due aux victimes.

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