Gérald Papy

Russie, Chine : même combat, même faiblesse

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La première séquence de la série Chernobyl sur la catastrophe de 1986 à la centrale nucléaire soviétique commence par ce commentaire-testament du chef adjoint du complexe ukrainien, Anatoly Dyatlov, ciblé comme bouc émissaire par les autorités.

 » Qu’y a-t-il de pire avec les mensonges ? Ce n’est pas de les confondre avec la vérité. Le réel danger, quand on entend trop de mensonges, c’est de ne même plus reconnaître la vérité du tout. Que faire alors si ce n’est abandonner tout espoir de vérité et nous contenter de simples histoires ? Dans ces histoires, peu importe qui sont les héros. On veut seulement savoir qui est le coupable.  » Aujourd’hui encore, une majorité de Russes, de Chinois (voire d’Américains), harassés par la recherche quotidienne de moyens de subsistance ou, au contraire, amadoués par une amélioration palpable de leur niveau de vie, sont enclins à se contenter de  » simples histoires  » et de vérités officielles assénées. Cela peut se traduire, en Russie, par l’illusion d’une vie démocratique, ou à Hong Kong restituée à la Chine en 1997 par la promesse de la cohabitation de deux systèmes dans un seul et même pays…

Dans cet univers du mensonge érigé en système, des citoyens, dont on ne mesure pas assez le courage, osent pourtant s’élever pour rappeler leurs dirigeants à la réalité. En Russie, même une élection secondaire comme celle du parlement de Moscou, prévue le 8 septembre, est biaisée par le pouvoir qui en a exclu des opposants sous des motifs fallacieux. La sentence a suscité des manifestations de protestation les 20 et 27 juillet, modestes selon les standards occidentaux mais remarquables dans un pays où la répression permanente a presque éradiqué toute opposition libérale structurée. A Hong Kong, un projet de loi instituant une procédure d’extradition vers la Chine a provoqué l’indignation et la crainte que Pékin ne bafoue la loi fondamentale de cette région administrative spéciale. Depuis huit semaines, des manifestants se relaient pour forcer le renoncement à la législation incriminée, concédé sur parole par la cheffe pro-Pékin de l’exécutif local, et la tenue d’une enquête indépendante sur les violences de la police.

Le recours à la manière forte comme seule réponse à la contestation est partagé par Vladimir Poutine qui l’assume, et par Xi Jinping qui le promet si les héritiers de la révolution des parapluies de 2014 ne lâchent pas prise. De concert également, Moscou et Pékin usent de l’accusation traditionnelle des pouvoirs dictatoriaux, l’instrumentalisation par des  » forces étrangères « , pour espérer discréditer leurs adversaires. Les deux  » nouvelles  » locomotives économiques ravivent donc les vieilles pratiques du communisme le plus dogmatique pour maintenir leur position dans le cénacle des superpuissances du monde globalisé.

Deux enseignements doivent être tirés de ce constat. Quelle que soit leur force aujourd’hui affichée, la Chine et la Russie conservent ce talon d’Achille du déficit de liberté, menace susceptible d’éclater à tout moment et de compromettre leur réussite économique. Ceux qui, aigris par les dysfonctionnements des démocraties occidentales, idéalisent au point de vouloir l’importer le modèle de l’Etat stratège, combinaison entre dirigisme étatique et efficacité économique, seraient bien inspirés, avant tout prosélytisme, d’évaluer les dégâts que ces expériences impliquent en matière de droits humains.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire