Manifestations dans les rues de Washington, le 3 juin 2020

Requalifiée en meurtre, la mort de George Floyd continue de faire trembler les USA et Donald Trump

Le Vif

Les quatre policiers qui ont interpellé George Floyd à Minneapolis sont dorénavant tous poursuivis par la justice et sa mort a été requalifiée en « meurtre », comme le réclamaient des centaines de milliers d’Américains qui manifestent depuis la semaine dernière, ont annoncé mercredi les autorités.

Les manifestations, qui ont parfois été accompagnées de pillages et d’émeutes ces derniers jours, se sont poursuivies mercredi dans de nombreuses villes, sans qu’aucun débordement majeur n’ait été signalé. Après les scènes de violence qui avaient émaillé la nuit précédente, le président Donald Trump avait menacé lundi de déployer l’armée « pour régler rapidement le problème », des propos immédiatement dénoncés par l’opposition.

En désaccord apparent avec Donald Trump, le secrétaire américain à la Défense s’est lui-même dit mercredi opposé à l’idée de déployer les soldats dans les grandes villes. « Je ne suis pas favorable au décret de l’état d’insurrection » qui permettrait une telle mesure, a déclaré Mark Esper.

Jim Mattis, ancien général des Marines et ex-ministre de la Défense de M. Trump qui avait démissionné, est à son tour monté au créneau pour accuser le président de « diviser » l’Amérique.

De mon vivant, Donald Trump est le premier président qui n’essaye pas de rassembler les Américains, qui ne fait même pas semblant d’essayer » , Jim Mattis

Le président américain s’est aussitôt déchaîné sur Twitter, qualifiant M. Mattis de « général le plus surestimé du monde » et de « chien fou ». « Je suis content qu’il soit parti ! », a insisté le locataire de la Maison Blanche.

« Racisme institutionnalisé »

Les nouvelles inculpations dans l’enquête sur la mort de George Floyd seront peut-être de nature à calmer la contestation dans les rues. Derek Chauvin, le policier qui, le 25 mai à Minneapolis, s’est agenouillé sur le cou du quadragénaire pendant plus de huit minutes, provoquant sa mort, avait dans un premier temps été inculpé seulement d’homicide involontaire. Les chefs d’accusation le visant ont été requalifiés mercredi de « meurtre non prémédité », plus grave, passible de 40 ans de prison.

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Les trois autres agents qui l’accompagnaient sont désormais également poursuivis, pour complicité, et placés en détention, à la grande satisfaction de la famille de George Floyd.

Ces poursuites étaient au coeur des demandes des manifestants qui font entendre leur colère partout dans le pays. « Le problème c’est qu’il a fallu que nous descendions dans les rues et que nous coupions littéralement des ponts et des autoroutes pour obtenir justice« , déplore Brian Carter, Américain noir de 29 ans rencontré par l’AFP lors d’une des manifestations organisées à New York.

Pour le gouverneur du Minnesota, l’inculpation des quatre policiers est une opportunité de « s’attaquer au problème du racisme institutionnalisé et de l’impunité » qui ont abouti à la mort de George Floyd. « C’est probablement notre dernière chance d’y remédier, en tant qu’Etat et nation », a-t-il dit.

L’ex-président Barack Obama a quant à lui salué le « changement de mentalité en cours », qui pourrait selon lui aboutir à des réformes au niveau national. « Rappelez vous que ce pays a été fondé sur un mouvement de protestation. Ca s’appelle la révolution américaine », a lancé M. Obama lors d’une visioconférence avec des militants.

Près de 10.000 arrestations

Dans des dizaines de villes du pays, des milliers de manifestants étaient de nouveau dans les rues mercredi, pour certains bien décidés à braver encore une fois le couvre-feu. Plusieurs dizaines de personnes ont ainsi été interpellées à Brooklyn et Manhattan pour non respect de l’heure légale. Les horaires du couvre-feu ont toutefois été assouplis à Washington et à Los Angeles, où il devrait être levé dès jeudi si la nuit est calme. C’était déjà le cas à Seattle (nord-ouest) mercredi.

A Los Angeles, le maire Eric Garcetti a accédé à une des principales revendications du mouvement « Black Live Matters » qui organise la contestation: réduire le budget de la police pour investir dans des programmes sociaux et éducatifs à destination des communautés noires. Le maire démocrate a renoncer à augmenter le budget de la police l’an prochain et décidé d’allouer 250 millions de dollars à de tels programmes.

A Washington un important dispositif policier a été une nouvelle fois déployé pour boucler l’accès à la Maison Blanche, même si les autorités ont dit s’attendre à des rassemblements pacifiques.

Lundi soir, les abords de la Maison Blanche avaient été évacués manu militari pour permettre à Donald Trump de sortir dans la rue et poser avec un exemplaire de la Bible devant la petite église qui fait face au centre du pouvoir exécutif américain. Le milliardaire, qui vante les vertus viriles de l’ordre et de la « domination » depuis le début de cette crise, a démenti mercredi les informations selon lesquelles il avait été hâtivement mis à l’abri vendredi soir par le Secret Service dans un bunker sécurisé lors d’une manifestation devant sa résidence officielle.

Au total, la police a procédé ces derniers jours à près de 10.000 arrestations dans tout le pays, selon une estimation reprise par les médias américains.

Jimmy Carter dénoncent les « injustices raciales » qui sapent la démocratie

L’ex-président démocrate (1977-1981), 95 ans, s’est dit, dans un communiqué, être avec son épouse, « consternés par les injustices raciales tragiques » : « Nous sommes de tout coeur avec les familles des victimes et tous ceux qui se sentent désespérés face à la discrimination raciale omniprésente et la cruauté pure et simple »

« Les gens en position de pouvoir, de privilège et de conscience morale doivent résister et dire « ça suffit » à une police et un système judiciaire qui discriminent, aux inégalités économiques immorales entre les Blancs et les Noirs, ainsi qu’aux actions publiques qui sapent notre démocratie unie ».

Carter a aussi souligné que « la violence, spontanée ou sciemment incitée, n’est pas la solution ».

L’ancien gouverneur de Géorgie, un Etat du Sud américain marqué par son passé esclavagiste et la ségrégation raciale rappelle y avoir déclaré à son arrivé au pouvoir en 1971: « L’époque de la discrimination raciale est terminée ». « Avec grande peine et déception, je répète ces mots aujourd’hui, près de cinq décennies plus tard », a-t-il confié.

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