Pendant quatre jours, l'humoriste Rémi Gaillard, a renversé les rôles, offrant aux visiteurs de la SPA la vision dérangeante d'un homme en cage. © Rosanne Mathot

« Rémi en cage » : un happening inédit anti-spécisme

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

En cage mais terriblement libre : pendant quatre jours, l’humoriste (souvent) lourdaud du Net, le Français Rémi Gaillard, a renversé les rôles, offrant aux visiteurs de la SPA la vision dérangeante d’un homme en cage,  » comme un clébard abandonné « . Tout en soulevant un inédit mouvement de solidarité (200 000 euros récoltés), Gaillard dénonce l’immobilisme des grands médias.

Décidément, Rémi Gaillard, a du flair. Dédaigné par les médias traditionnels, ce fut l’un des premiers, en France, à avoir trouvé le filon de l’humour sur Internet, il y a une quinzaine d’années. En jouant les andouilles, en titillant l’establishment, avec des gags façon Baffie ou Lafesse, la répartie en moins, le Montpelliérain fait simple et culotté : des caméras cachées et des déguisements cheaps. Un humour purement visuel, compréhensible par le plus grand nombre, un humour qui atomise les frontières, donc.

Du 11 au 15 novembre derniers, le « rigolo » du web n’a pas joué, pourtant. Désormais chantre de la cause animale, l’homme n’a pas singé la sincérité ou l’acte gratuit, en s’enfermant dans une cage bétonnée ouverte aux quatre vents, à Montpellier. En fait, Rémi Gaillard a opéré un dérangeant renversement des rôles : bien plus qu’un chien, un homme derrière un grillage, ça ne laisse personne indifférent. De fait, aujourd’hui, la cagnotte continue de grossir, dépassant les 200 000 euros ; et 150 chiens et chats ont été adoptés, au refuge de Montpellier.

Un « sombre connard » ?

Quelques heures avant de quitter sa cage du refuge SPA qui signe le plus faible taux d’euthanasie de France (3%), celui qui a échoué à se faire une place dans les médias traditionnels, expliquait : « j’ai beaucoup de défauts, mais j’ai compris le show-biz. (…) Ce que je fais, ce n’est pas pour les médias qui n’attendent que le buzz ; je le fais pour les chiens et pour les gens qui me suivent, (…) les petites gens, les fantassins, ceux qui sont généreux « . 72 heures de « captivité » n’auront rien ôté de son mordant à l’empereur populaire de la vidéo virale, qui n’hésite jamais à montrer les crocs devant les caméras et les micros de la presse. Celui que la journaliste Audrey Pulvar avait traité de « sombre connard » suite à la publication de la vidéo « Free Sex », perçue par d’aucuns comme faisant l’apologie de la culture du viol, ne fait pas mystère de son engagement anti-spécisme. Pour lui, la discrimination basée sur l’espèce n’a pas lieu d’être et le droit de vie ou de mort, d’exploitation et de divertissement, que les humains s’octroient sur les animaux, doit être combattu.

Farce d’attaque

Avec « Remi en cage », Gaillard a donc joué la carte de la réversibilité des normes, car les normes, de toutes façons, il s’en agace, comme le démontre son slogan passablement nihiliste : « C’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui « . Peu importe le discutable jeu de mots, Rémi Gaillard ne fait pas dans la rhétorique. Fidèle à lui-même, c’est la charge visuelle qu’il soigne. Mais, s’il privilégie le choc des images, le trublion 2.0 n’a pas, pour autant renoncé au « poids des mots » : lundi soir, l’empereur populaire du buzz, entendait bien achever son action-choc par un point d’orgue. « Les feux d’artifice, ça se termine par un bouquet final, non ? » En guise « bouquet final », Canal + en a pris pour son grade. La chaîne espérait diffuser la « libération » de Rémi Gaillard en direct. En lieu de quoi, elle s’est vue offrir un vent magistral : « Je sortirai, à une condition : c’est que votre patron, Monsieur Bolloré, double la mise. Sinon, je resterai dans cette cage« .

Quelques heures plus tard, le comique engagé a quitté sa cellule. On ne sait pas si Vincent Bolloré a promis ou non à Rémi Gaillard de sortir son chéquier. Mais là n’est pas la question, finalement. En s’enfermant délibérément dans une cage bétonnée et grillagée de 10 m², pendant quatre nuits, c’est aussi l’inertie des cadors des médias face aux maltraitances que subissent les animaux que Rémi Gaillard voulait dénoncer. Mission accomplie.

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