Dans quelques semaines, les Turcs se rendront aux urnes afin de se prononcer sur une modification de la Constitution visant à remplacer le régime parlementaire par un régime présidentiel.
Comme pour les législatives de 2015, quelques 200 000 résidents en Belgique auront la possibilité de donner leur avis lors de ce référendum turc sous haute tension. Selim et Safiye possèdent la double nationalité et voteront le 17 avril, ils nous livrent leur opinion.
Selim, 22 ans
OUI. Pour ce jeune verviétois, la nécessité de donner plus de pouvoir à Recep Tayyip Erdogan ne fait aucun doute. Le 17 avril, rien ne l’empêchera de glisser le « oui » dans l’urne « pour une Turquie meilleure ». Depuis tout petit, Selim retourne au moins une fois par an dans le pays d’origine de ses parents et ne peut que constater l’évolution de la qualité de vie depuis l’ l’arrivée de M. Erdogan au pouvoir. « Il suffit de regarder le gouvernement, les infrastructures, les routes, les moyens de transport, ou encore le pouvoir d’achat : tout a changé, les gens vivent mieux », nous explique-t-il. Avant d’ajouter, « Je suis né en Belgique et j’aime la Belgique parce qu’elle m’a tout donné. Je ne serais probablement pas le même si j’étais né en Turquie. Alors quand je réfléchis aux avantages qu’on a ici et qu’il n’y a pas en Turquie, comme la mutuelle ou la sécurité sociale, je voudrais que ce soit la même chose là-bas ».
Pour lui, seul le président actuel est capable d’amener la Turquie parmi les 10 plus grandes économies mondiales et atteindre les objectifs de 2023. Et en ce qui concerne les craintes des opposants de cette réforme de voir le régime prendre des allures totalitaires, il les balaye d’un revers de la main. À ses yeux, le fait de passer cette réforme par un référendum prouve le caractère démocratique de cette manoeuvre, car « c’est le peuple qui décide ». Selim déplore aussi le traitement médiatique des Occidentaux à l’encontre de M. Erdogan. « S’il y a deux lignes un peu totalitaires dans un discours, les médias ne vont garder que celles-là » argumente-t-il.
Enfin, lorsqu’on lui parle des opposants mis en prison après le putsch et des nombreux journaux contraints d’être fermés, le Verviétois rétorque qu’il est normal d’arrêter « un mouvement qui veut tout chambouler » en pointant les gulénistes du doigt. Et de conclure, « J’étais à Eskisehir (NDLR : près d’Istanbul) lors du Putsch, tout le peuple est allé dans la rue. La Turquie est un pays soudé et personne ne pourra dire le contraire ».
Safiye, 23 ans
NON. « Si le ‘oui’ l’emporte, je ne mettrai plus les pieds en Turquie » nous lance cette étudiante en tourisme par crainte de voir le pays de ses parents se « totalitariser ». « Ceux qui disent ‘non’ sont sous une pression énorme parce qu’ils sont considérés comme des traîtres. Les pro-Erdogan nous voient comme des terroristes et ils nous assimilent directement au mouvement guléniste », nous explique-t-elle en colère. Avant d’ajouter, « malheureusement, les gens qui disent ‘oui’ détestent ceux qui disent ‘non’, et inversement. Peu importe le résultat de ce référendum, ce sera le chaos ». Il faut dire que pour elle, donner autant de pouvoir à une seule personne est la chose la plus dangereuse que l’on puisse faire. « Il n’y a déjà pas beaucoup de démocratie dans le pays, alors si le ‘oui’ venait à l’emporter, cela deviendrait encore pire. Depuis que M. Erdogan est au pouvoir, la liberté d’expression n’existe presque plus en Turquie. D’autant plus qu’il utilise la religion pour manipuler l’opinion de son peuple » argumente-t-elle. Et le contexte dans lequel va avoir lieu ce référendum n’est pas de nature à la rassurer. Avec l’état d’urgence décrété suite à la tentative de putsch militaire, Safiye craint que la victoire du « oui » soit devenue inévitable. Surtout que « M. Erdogan a profité de cette situation pour mettre des journalistes et des opposants en prison ». Enfin, Safiye déplore les dernières violentes sorties du président turc à l’encontre des Pays-Bas et de l’Allemagne. « Si les dirigeants de ces pays avaient été d’accord, je ne vois aucun problème que les ministres d’Erdogan se déplacent vu le nombre de Turcs présents dans ces pays »nous lance-t-elle. Et de terminer : « ce n’est pas correct de forcer les choses et puis de se faire passer pour la victime. Ils n’ont qu’à faire leur propagande dans les pays où c’est autorisé ».
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Grégory Sacré