Alexandre Benalla a fait ses débuts au service d'ordre du Parti socialiste et a été membre de l'équipe de Martine Aubry lors de la primaire de 2011. © F. DUPUY/SIPA

Qui est vraiment Alexandre Benalla, l’homme par qui le scandale arrive ?

Le Vif

Passe-droits, travaux somptuaires dans une résidence de la République, omniprésence, attributs usurpés…Tout semblait permis à Alexandre Benalla.

Mis en examen depuis dimanche 22 juillet par un juge d’instruction chargé de démêler l’écheveau des responsabilités dans le tabassage de manifestants le 1er mai dernier, Alexandre Benalla, 26 ans, n’était sur le papier qu’un obscur collaborateur, un jeune militant porté par la victoire de son mentor en mai 2017. Mais l' » adjoint au chef de cabinet  » – c’est ainsi qu’il se présentait sur sa carte de visite, dont Le Vif/L’Express s’est procuré copie – est devenu, grâce à la confiance que lui accordait Emmanuel Macron, un puissant protagoniste du pouvoir, omniprésent près du couple présidentiel.

Sans en être le chef, il a ainsi organisé le petit groupe chargé de la vie privée et des affaires secrètes du chef de l’Etat, dont chaque président se dote. Une escouade de petite taille,  » vu que l’agenda privé est plus facile à gérer dans un contexte forcément moins dangereux, car non public « , explique un homme de l’art.  » Il n’était pas anormal que Benalla prenne ça en main, étant celui qui bénéficiait de la confiance du président « , reconnaît un cadre du ministère de l’Intérieur.

Après avoir servi le PS, notamment dans les rangs de son service d’ordre, l’homme a su mettre à son profit cette proximité rarement vue pour un civil soudain chargé de protéger le président de la République et sa femme, sans avoir bénéficié d’une réelle formation en la matière. Les faveurs qui lui ont été octroyées sont à la hauteur de la place qu’il avait prise dans le dispositif élyséen. Permis de détention puis de port d’arme, séances de tir autorisées au stand du Service de la protection du ministère de l’Intérieur (SDLP), entraînements de boxe avec le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), voiture de l’Elysée, coupe-file pour l’Assemblée nationale…

180 000 euros pour un duplex

Ainsi, Alexandre Benalla s’était-il vu aussi attribuer un appartement de fonction quai Branly, dans une résidence de la République rassemblant une soixantaine d’appartements, où sont logés autant le chef d’état-major particulier du président que le secrétaire général de l’Elysée ou d’autres collaborateurs ; certains sont fonctionnaires et leur présence en permanence sur les lieux de travail est impérative, d’autres bénéficient d’un appartement de manière discrétionnaire.

Ces lieux discrets furent dévoilés au grand public lorsqu’on apprit un jour que François Mitterrand y logeait Anne Pingeot et leur fille, Mazarine… Selon nos informations, un budget de 180 000 euros aurait été prévu afin de réunir deux appartements pour en faire un duplex, d’une surface de près de 200 mètres carrés, à l’attention de la famille Benalla. Sollicité sur ce point, l’Elysée n’avait pas fait de commentaires à l’heure du bouclage de notre magazine.

Avant d’oeuvrer aux côtés du candidat Macron, le jeune homme ambitieux évoluait dans le petit monde de la sécurité privée – il avait renouvelé en 2014 sa carte du CNAPS, l’organisme régulateur des sociétés privées de sécurité.  » Il pouvait recruter ou faire virer un officier de sécurité d’un simple claquement de doigts « , souligne un patron de syndicat. Aux côtés de  » privés  » ou de videurs de boîte de nuit, il avait engagé d’anciens militaires devenus flics, dont certains s’étaient mis en disponibilité pour servir comme gros bras pendant la campagne d’Emmanuel Macron en 2017. C’était la  » bande d’Alexandre « .

D’Evreux, où il est né, au Havre et à Issy-les-Moulineaux, où il a résidé, jusqu’à l’Elysée, le parcours d’Alexandre Benalla se fracasse place de la Contrescarpe, à Paris, le 1er mai. Ce sont les faits qui s’y sont déroulés, ainsi que leurs suites, qui justifient les enquêtes judiciaire, administrative et politique qui ont été lancées depuis les révélations du Monde.

L'ex-collaborateur n'hésitait pas à afficher sur sa carte de visite un titre ronflant.
L’ex-collaborateur n’hésitait pas à afficher sur sa carte de visite un titre ronflant.

Au service d’ordre du candidat Hollande

Adepte des sports de combat, Benalla est depuis toujours porté sur les questions de sécurité. Bénévole dans les rangs de Martine Aubry, il est le jeune homme qui tente de faire son trou chez les socialistes en donnant des coups de main. Y compris pour François Hollande.  » Alexandre était au service d’ordre et, à ce titre, il préparait puis encadrait les déplacements du candidat Hollande conjointement avec un représentant du SDLP « , se souvient une cadre de la campagne de Hollande, qui l’a bien connu. Avec le recul, les événements du 1er mai ne l’étonnent pas :  » Il avait le sang chaud, s’énervait et montait le ton assez facilement quand il travaillait au service d’ordre.  »

Après l’élection de François Hollande à l’Elysée, Benalla est happé par Bercy. Il passe quelques mois au service d’Arnaud Montebourg, en tant que chauffeur. Comment un civil est-il intégré du jour au lendemain dans des fonctions incombant normalement à des policiers du Service de la protection ? En fait, comme l’explique un gradé de la police, les chauffeurs de ministres non régaliens peuvent être simples contractuels ou fonctionnaires du secrétariat général du gouvernement, sans être flics. Ce fut le cas pour Benalla. Un contrat lui est donc signé. Il est viré après un accident au cours duquel l’homme aurait failli commettre un délit de fuite, comme l’a raconté Arnaud Montebourg au Monde.

Pendant la campagne pour la présidentielle de 2017, Benalla tourne le dos à ses anciens amis socialistes : le voilà dans le staff du candidat Macron, chargé de sa sécurité. Il devient  » proche parmi les proches « , confirme une source qui connaît les deux hommes. Benalla dépose un dossier au ministère de l’Intérieur afin de bénéficier d’un port d’arme, qui lui est refusé, après avis négatif du patron du SDLP.  » Pas d’homme armé auprès des officiers de sécurité de la police nationale « , ont tranché les cadres du ministère de l’Intérieur – il obtiendra son port d’arme une fois nommé à l’Elysée.

Le chargé de mission ne quitte plus le président d’un pouce. Pourquoi ce dernier a-t-il continué à lui faire confiance aveuglément ? C’est d’autant plus étonnant que Benalla avait déjà la réputation d’être incontrôlable, adorant jouer au policier, équipant les Ford Galaxy de celui qui n’était alors que candidat de gyrophares bleus en théorie réservés aux forces de l’ordre.

Par Laurent Léger (avec Benoist Fechner, Ludwig Gallet, Elise Karlin, Eric Mandonnet, Anne Vidalie).

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