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Quels États ont le plus à gagner et à perdre sous une administration Biden

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Après quatre ans de politiques internationales chaotiques, la réputation des États-Unis a parfois été endommagée sous l’administration Trump. Comment Biden peut-il changer le regard que porte le monde sur les États-Unis ? Voici un aperçu des dirigeants qui ont le plus à gagner et à perdre avec la nouvelle administration.

Les gagnants

Iran

Le président iranien, Hassan Rohani, a subi un coup dur suite au brusque retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien en 2018, ainsi qu’au rétablissement de fortes sanctions visant à paralyser le pays et son économie. Rohani espère que Joe Biden reviendra sur la décision de Donald Trump de quitter cet accord historique. « Maintenant, il y a une opportunité pour la prochaine administration américaine … de revenir à ses engagements internationaux« , a-t-il déclaré suite à la victoire de Biden aux élections. « La République islamique considère l’interaction constructive avec le monde comme sa stratégie« .

Néanmoins, rien n’est gagné… L’arrivée de Joe Biden à Washington ne garantit pas que les États-Unis rejoindront l’accord, ou que les États-Unis fourniront à Téhéran tout type de soulagement économique significatif. De la même manière, rien ne garantit que l’Iran accepte à nouveau cet accord aux mêmes conditions imposées à l’époque, surtout si les extrémistes parviennent à remporter les prochaines élections iraniennes. Les adversaires de Rohani pourraient en effet entraver ces efforts, en imposant de nouvelles conditions aux États-Unis.

Canada

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a été l’un des premiers dirigeants à féliciter Joe Biden pour sa victoire. Et ce n’est pas pour rien… Joe Biden et Justin Trudeau semblent en effet avoir un point commun : leur multilatéralisme, ou cette volonté de favoriser des relations entre plusieurs États, des accords multilatéraux. Justin Trudeau espère travailler avec quelqu’un désireux de reconstruire bon nombre d’institutions… en particulier sur des questions critiques comme le changement climatique.

Le Premier ministre canadien peut également espérer une diminution significative des tensions commerciales. L’administration Biden serait en effet peu susceptible de poursuivre la guerre tarifaire sur les importations canadiennes d’aluminium aux États-Unis.

Allemagne

L’Allemagne est l’un des pays qui a certainement le plus à gagner de la victoire de Joe Biden. Sous Donald Trump, les relations entre les deux pays ont atteint des niveaux historiquement bas, notamment en raison des nombreuses critiques du président américain sur les dépenses allemandes de défense considérées comme trop faibles, ou le soutien de l’Allemagne au gazoduc Nord Stream 2 qui acheminera le gaz russe directement vers l’Europe.

L’élection de Joe Biden serait également l’occasion de relancer la coopération étroite entre l’Amérique et l’Europe. « La victoire électorale de Joe Biden signifie une chose en particulier : de nouvelles opportunités pour le partenariat transatlantique« , a d’ailleurs déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, si tôt la victoire de Joe Biden annoncée. « Nous avons besoin d’une sorte de nouvel accord dans le partenariat transatlantique, dont la base consisterait à répondre aux défis internationaux avec des solutions internationales et non avec une politique de « America First » ou « Europa First ». »

L’Allemagne espère ainsi que l’administration Biden ramènera les États-Unis en tant qu' »acteur actif » sur la scène mondiale, se joignant à d’autres nations pour relever les défis mondiaux tels que le changement climatique, la migration et la pandémie de covid.

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Les perdants

Le Royaume-Uni

En cas d’échec des négociations avec Bruxelles pour un accord post-Brexit, Boris Johnson avait misé sur un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Mais l’arrivée de Joe Biden à Washington n’annonce rien de bon pour Boris Johnson. Biden considère en effet le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne comme une erreur historique et ne sera certainement pas pressé de conclure un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni.

Que ce soit pour le Brexit, le commerce ou la politique nationale, le Premier ministre britannique n’a pas gagné les faveurs du nouveau président américain. Joe Biden a d’ailleurs averti Boris Johnson, pendant sa campagne, de ne pas saper l’accord de Belfast -unaccord de paix visant à stabiliser la situation politique en Irlande du Nord.

La Russie

Le président russe a des raisons de se sentir menacé : si Donald Trump a clairement reconnu Vladimir Poutine comme un dirigeant respectable, voire même un allié, ce n’est pas le cas de Joe Biden. Le nouveau président américain compte en effet intensifier la pression sur le Kremlin, suite à sa promesse de cibler les autocraties et de promouvoir les droits de l’homme dans le cadre de la politique étrangère de son administration. De nouvelles sanctions imposées à la Russie sont donc non seulement probables, mais un soutien renouvelé de l’OTAN et un soutien plus fort à l’Ukraine sont également possibles.

D’autant que ces quatre dernières années, la Russie a essayé d’attiser les divisions aux États-Unis et à s’insérer dans toutes sortes de points chauds géopolitiques à travers le monde. Perdre le soutien d’un personnage aussi diviseur que Trump n’est donc pas une bonne nouvelle pour Vladimir Poutine.

La Corée du Nord

La défaite de Donald Trump met fin à une relation exceptionnelle, bien que parfois instable, entre les États-Unis et la Corée du Nord. La légitimité de Kim Jong Un sur la scène mondiale a été renforcée par ses relations personnelles avec Trump. Mais l’échange de « lettres d’amour » entre Kim et Trump ne se répétera probablement pas avec Biden. Le refroidissement des liens risque de déclencher des provocations militaires de la part de Pyongyang.

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Ceux qui ne savent pas encore comment se positionner

Le Mexique

Lors de la victoire de Trump en 2016, beaucoup s’attendaient à des tensions entre les États-Unis et le Mexique, en particulier compte tenu du discours virulent qu’avait tenu Donald Trump lors de sa campagne. Le président sortant avait notamment fait de la construction d’un mur à la frontière mexicaine l’un des fers de lance de son programme. Et pourtant, les tensions que tout le monde attendait n’ont jamais réellement eu lieu. Les dirigeants mexicains semblent avoir reconnu les États-Unis comme une nation plus puissante, ce qui a abouti à une politique de non-confrontation. Le président américain Donald Trump a même loué la « force » des liens entre les États-Unis et le Mexique en accueillant son homologue mexicain Andres Manuel Lopez Obrador à la Maison-Blanche en juillet dernier. Le président populiste mexicain et Donald Trump ont par ailleurs coopéré aux politiques d’immigration sévères de Washington.

Une coopération que Joe Biden prévoit pourtant de limiter, en annulant un certain nombre de ces politiques. Une mauvaise nouvelle pour le chef d’État mexicain Andrés Manuel López Obrador, qui pourrait également se voir imposer des nouvelles sanctions sur les relations de travail, l’environnement et la corruption, sous une administration Biden. En raison de la dépendance économique du Mexique vis-à-vis des États-Unis et de leur frontière commune, López Obrador a également le plus à perdre d’une mauvaise relation avec son nouveau voisin.

Tout ne s’annonce pourtant pas mal pour les relations Mexique/États-Unis. L’administration Biden fera des États-Unis un voisin beaucoup plus prévisible et moins susceptible de provoquer une crise politique sur les questions de migration. Sa victoire sonne en tous cas le glas des agressions verbales et autres menaces professées par Donald Trump contre les immigrés mexicains. L’arrivée d’un nouveau locataire à la Maison-Blanche annonce donc bien quelques changements en faveur du Mexique.

Quoi qu’il en soit, le voisin des États-Unis se montre prudent quant aux futures relations américano-mexicaines, son président n’a d’ailleurs toujours pas félicité Joe Biden pour sa victoire.

La Chine

Pour la Chine aussi, il est difficile de savoir si l’élection d’un nouveau président démocrate est une bonne ou une mauvaise nouvelle.

Sur le court terme, une administration Biden profite à la Chine car elle soulage une partie de la pression qui pèse sur les relations américano-chinoises. Avec Joe Biden, le président chinois n’aura probablement pas à s’inquiéter d’une augmentation soudaine des tarifs américains sur les exportations ou de soudaines sanctions imposées aux entreprises chinoises. Cette victoire du démocrate apportera également plus de prévisibilité à l’économie mondiale, dont la Chine a besoin pour poursuivre son essor économique.

Mais à plus long terme, un deuxième mandat de Trump aurait donné à la Chine un argument supplémentaire pour convaincre de la nécessité d’un plus grand leadership mondial chinois. Ces quatre dernières années, la Chine a en effet profité des opportunités stratégiques offertes par Donald Trump, alors que ce dernier imposait aux États-Unis de se retirer de nombreux rôles de leadership mondiaux dans des domaines allant du changement climatique à la santé mondiale. Donald Trump a également fait beaucoup pour affaiblir les liens avec les alliés européens, pourtant désireux de travailler avec Washington pour affronter l’administration de Xi Jinping. D’une certaine manière, en refusant de coopérer avec les alliés européens, Donald Trump a enlevé une épine du pied du gouvernement chinois. Le président sortant manquera très certainement à la Chine.

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