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Quelles options stratégiques ont les Européens face à Trump ?

Le Vif

Les Européens, majoritaires au G7, sont revenus du sommet canadien humiliés et désorientés par Donald Trump, qui trace son sillon sans se préoccuper d’eux. Entre charme, confrontation ou contournement, quelles sont les options stratégiques des dirigeants du Vieux Continent?

Jouer l’amitié : voie sans issue ?

Emmanuel Macron a joué cette carte à fond, en vain. Ni sur l’accord de Paris sur le climat, ni sur l’accord international sur l’Iran, ni sur le libre-échange… L’amitié affichée par le président français avec son homologue américain, qui tente de placer la relation sur un plan personnel, n’a pas abouti.

Selon des informations de presse, leurs échanges privés ont même parfois été houleux. Début juin, CNN affirmait qu’un échange téléphonique entre les deux hommes avait été « terrible » et, lundi, le site américain Axios affirmait que M. Trump avait dit à M. Macron fin avril à Washington que l’UE était « pire que la Chine » en matière commerciale.

Trump est « incontrôlable » et « n’écoute personne », a déclaré à l’AFP une source européenne l’ayant côtoyé durant sa visite à Bruxelles en mai 2017.

Le président français Emmanuel Macron et Donald Trump, président des Etats-Unis.
Le président français Emmanuel Macron et Donald Trump, président des Etats-Unis.© AFP

« Force est de constater que Macron a beau s’investir sans relâche vis-à-vis de Trump, cela ne paye pas », selon le géopolitologue français Dominique Moïsi, cité par Le Parisien.

« Avec le président Trump, j’ai toujours été attaché à avoir la relation la plus chaleureuse possible et je continuerai à l’avoir, elle est de la même nature depuis le début. Cette relation n’a jamais empêché de laisser s’exprimer des désaccords de part et autre », a déclaré le président français au Canada.

Riposter : jusqu’à un certain point

Cela peut fonctionner en matière commerciale, mais est plus difficile dans des dossiers tels que la lutte contre le changement climatique ou le nucléaire iranien.

« Sur le commerce et les barrières douanières, l’UE a une assez bonne position, il y a une chance » de l’emporter, estime Stefani Weiss, de l’institut allemand Bertelsmann Stiftung.

« En matière commerciale, l’Europe a le pouvoir de s’opposer aux Etats-Unis, en matière de concurrence aussi, on l’a vu avec les amendes infligées à Google par exemple », estime Pascale Joannin de la fondation Robert Schuman.

Procédure à l’OMC, mesures de rétorsions sur certains biens américains, l’UE, dont les membres rassemblent une grande puissance économique, ont les moyens de lutter contre les Etats-Unis.

Mais il leur faudra rester politiquement unis, un défi pour une union dont les membres se sont plusieurs fois déchirés par le passé pour défendre des intérêts nationaux.

« Nous devrons réfléchir à ce que nous devrons faire. (…) J’espère que nous agirons ensemble comme nous l’avons fait jusqu’à présent », a déclaré la chancelière Angela Merkel, dont l’industrie automobile est dans le collimateur de Donald Trump, qui juge qu’il y a trop de voitures allemandes aux Etats-Unis. « S’ils ne peuvent pas trouver un compromis au sein de l’UE, ils ne peuvent pas être un acteur d’envergure mondiale », prévient Mme Weiss.

Le court-circuiter ? Très délicat

Les Etats-Unis sont la première puissance économique, militaire, financière du monde.

Quand ils se retirent de l’accord mondial sur le climat, c’est son existence même qui est compromise, mais pour l’instant les autres pays signataires s’y tiennent, s’appuyant notamment sur le fait que la Chine tient bon, et sur certains gouverneurs d’Etats américains.

Sur le nucléaire iranien, la remise en cause américaine est aussi lourde de conséquences. Adossé à sa puissance financière et à l’omniprésence du dollar, Donald Trump menace de sanctions les entreprises du monde entier qui oseraient continuer à faire affaire avec Téhéran. Malgré la tentative de riposte de l’UE pour préserver ses intérêts, l’argument fait mouche et plusieurs compagnies ont déjà annoncé qu’elle se retireraient d’Iran.

En profiter pour plus s’intégrer ?

« On est à un moment clé » estime Mme Joannin. Politiquement, les dirigeants européens devront faire des choix.

En matière de Défense notamment, Donald Trump laisse clairement entendre que les Etats-Unis ne seront plus le bouclier d’une partie de l’Europe face à Moscou. « L’Europe doit prendre son destin en main sur un certain nombre de dossiers, dont la Défense », selon Mme Joannin.

Poussés par le retrait américain, les Européens pourraient en profiter pour avancer vers une plus grande intégration sur des domaines qui étaient jusqu’ici réservés aux Etats.

Mais plusieurs gouvernements eurosceptiques sont arrivés au pouvoir portés par des populations européennes échaudées par les politiques menées jusqu’ici, et particulièrement la gestion de la crise migratoire.

« A côté d’Emmanuel Macron et Angela Merkel, on a des Etats plus réticents comme la Pologne, la Hongrie, l’Italie, l’Autriche, les Pays-Bas », liste Mme Joannin.

Quelles options stratégiques ont les Européens face à Trump ?
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Attendre? Aléatoire

La prochaines élection présidentielle américaine aura lieu en 2020. Les Européens peuvent-ils faire le gros dos en attendant un hypothétique revirement à la Maison Blanche ? « Ce serait une approche complètement irresponsable », juge Mme Weiss. « Vous vous retrouvez complètement dépendant d’autrui. Ca revient à mettre entre les mains des électeurs américainns le destin européen ».

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